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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre
Autoren: Hugues De Queyssac
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mâchicoulis en pierre avaient remplacé les vieux hourds de bois que nous avions improvisés à l’époque en fichant des madriers dans les trous de boulin de la muraille, à l’est de la citadelle, entre la Maison-tour, la Chapelle Saint-Jean, et le donjon.
    Mais la pierre blonde des logis était devenue plus terne, plus triste. De la mousse s’était répandue sur les façades exposées au nord. Quelques lauzes manquaient sur les toitures. Le village pleurait, lui aussi, les effets d’une guerre qui perdurait, ruinait les plus pécunieux et terrassait les plus pauvres ou les plus malchanceux.
     
    La cloche de la chapelle sonnait laudes, lorsque je mis pied à terre et tendis la bride de mon destrier au valet d’écurie qui s’était avancé pour s’en saisir. Mon destrier hennit, frappa et griffa le sol pierreux de ses sabots antérieurs. Chassant de mon esprit le mauvais pressentiment qui m’avait saisi tout à trac, je lui caressai l’encolure, flattais ses naseaux pour l’apazimer et me permis même une claque sur la croupe.
    Mes deux écuyers avaient appartenu autrefois aux maisons des chevaliers Mirepoix de la Tour et Gaucelme de Biran, qui résidaient en ce village. Ce jour d’hui, fervêtus d’un grand harnois plain, ils eurent plus de difficulté que moi à démonter, et l’on dut venir à leur secours pour qu’ils ne chutassent pas sur le cul dans un bruit colossal de plates de fer tordues ou disloquées.
    En me dirigeant d’un pas déterminé vers l’entrée de la crypte, j’imaginais déjà les dix-sept candélabres à cinq branches (que Michel de Ferregaye, mon féal capitaine d’armes, m’avait dit avoir fait disposer entre les gisants de pierre) projeter sur les fresques peintes sur les murs une lumière jaune et orange. Elle animerait les magnifiques statuettes en autant de témoins silencieux de la sentence de mort qui serait bientôt prononcée par mon tribunal.
    Une sentence à l’encontre du plus grand criminel que la terre ait connu : l’un de ceux tout au moins qui, par son comportement concupiscent, était à l’origine de cette epydemie foudroyante de Mal noir qui avait décimé, depuis l’an de disgrâce 1348, près de la moitié des feux de l’Occident chrétien. Du Sud au Nord, d’Ouest en Est, des terres d’Espagne à la lointaine Écosse. Du royaume de France aux marches du Saint Empire romain germanique. Au-delà même des fleuves Danube et Volga.
    Pour avoir chevauché au cours des vingt dernières années par-delà la plupart des villes et des campagnes des provinces de France et d’ailleurs, du Poitou au duché de Bourgogne, de l’île de France à la comté d’Alsace et sur les terres d’Empire, du royaume de Bavière au marquisat de Provence, jusqu’aux plus lointaines régions de la Germanie, m’être rendu dans les principautés d’Italie transalpine et aussi, bien malgré moi, en la cité de Londres, j’avais été, des recrudescences de cette terrible maladie, le témoin consterné mais impuissant.
     
    Des familles entières de ces baronnies, comtés, duchés, royaumes, avaient été anéanties par la pestilence, par les famines et les disettes qui avaient suivi ce terrible fléau.
    Et quand ce n’était pas par la terrible epydemie du Mal qui rend noir, les viles compagnies de routiers qui se vendaient aux plus offrants se payaient sur l’habitant dès qu’elles n’étaient plus soldées par l’un ou l’autre des camps.
    Qui n’avait pas entendu relater par quelques troubadours les méfaits de l’archiprêtre Arnaud de Cervolles qui était de la famille des Talleyrand ? Ainsi surnommé depuis qu’il avait été révoqué de sa charge par l’archevêque de Bordeaux. Et les exactions du « roi des Compagnies », le sanguinaire Seguin de Badefol, chevalier de Gascogne et descendant d’illustres familles ? Icelui avait très tôt quitté son château sis sur une montagne de roc, sur la rivière Dourdonne, pour courir l’aventure avec l’un de ses compains d’armes, le capitaine Aymerigot Marchés.
    Partout où elles passaient, leurs bandes étaient composées du ramassis de la lie du temps, de chevaliers brigands, de soudoyers privés de ressources lors des trêves. Parfois fortes de plus de cinq mil hommes, elles avaient chevauché en Limousin, en Berry, en Auvergne, dans le Lyonnais, en terres de Provence, jusque dans le comtat venaissin, semant la terreur, ici chez les bourgeois des villes qu’ils assiégeaient, là dans
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