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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
Autoren: Stephen Crane
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toujours.
    Dans le ciel à l’orient, il y avait une large bande jaune, mise comme un tapis sous les pieds du soleil qui se levait ; et tout contre elle, noire, bien dessinée comme un modèle, dominait la gigantesque silhouette du colonel sur son grand cheval.
    Dans les ténèbres on entendait le bruit des pas. L’adolescent pouvait parfois voir des ombres denses qui se mouvaient en formes monstrueuses. Le régiment fit une halte qui parut longue. L’adolescent s’impatientait. C’était intolérable la façon dont ces affaires étaient menées. Il se demanda combien de temps ils seraient tenus d’attendre.
    Alors qu’il regardait pensivement les ténèbres inquiétantes qui l’environnaient il se mit à croire qu’à tout moment l’espace menaçant qui les séparait de l’ennemi pouvait prendre feu ; et le tonnerre roulant d’un engagement parvenait déjà à ses oreilles. Et comme il regardait les points rouges par delà la rivière, il les imagina grandir, comme les orbes d’une rangé de dragons qui avançaient. Se tournant vers le colonel il le vit qui levait sa grande main pour lisser calmement sa moustache.
    Enfin, il entendit, venant de la route au pied de la colline, le claquement de sabots d’un cheval au galop. Il se pourrait que cela soit l’arrivée des ordres. Il se pencha vers l’avant, respirant à peine. Le claquement excité, à mesure qu’il devenait plus fort, paraissait rouler sur son cœur. À présent le cavalier, dont l’équipement tintait fort, tirait sur les rênes de son cheval juste devant le colonel du régiment. Les deux hommes tinrent une conversation brève et sèche. Aux rangs les plus avancés, les hommes étiraient le cou pour mieux entendre.
    Alors qu’il venait de tourner bride et s’en allait au galop, le cavalier se retourna pour crier par-dessus l’épaule : « N’oubliez pas la boîte à cigares ! » Pour toute réponse le colonel eut un murmure. L’adolescent se demanda ce qu’une boîte à cigares avait à voir avec la guerre.
    Un moment plus tard, le régiment, monstre mouvant qui serpentait sur d’innombrables pattes, s’en allait glissant à travers les ténèbres. L’air était lourd, froid et encore chargé d’humidité. La masse d’herbe mouillée qu’on piétinait crissait comme de la soie.
    Par moments des éclairs et des lueurs métalliques apparaissaient sur le dos de ces énormes corps qui rampaient comme des reptiles. Des craquements et des grognements parvenaient de la route, comme si quelques fusils réfractaires étaient traînés le long du chemin.
    Les hommes trébuchaient dans leur marche, spéculant toujours à voix basse. Le débat faiblissait. Un homme tomba, et comme il tentait d’atteindre son fusil un camarade qui ne l’avait pas vu, lui piétina la main. La victime dont les doigts furent écrasés jura haut et fort. Un rire bas et étouffé couru parmi ses camarades.
    Maintenant ils prenaient une grande route et avançaient plus aisément, à grands pas. La masse sombre d’un régiment marchait devant eux, et à l’arrière leur parvenait le tintement des équipements portés par les hommes qui avançaient.
    Derrière eux l’or jaillissant du jour.
    Quand enfin les rayons du soleil tombèrent avec douceur et plénitude sur la terre, l’adolescent vit le paysage strié de deux longues colonnes maigres et noires, qui, vers l’avant disparaissaient dans le versant d’une colline, et vers l’arrière dans la forêt. Elles ressemblaient, ces colonnes, à deux serpents qui rampaient hors des cavernes de la nuit.
    La rivière n’était plus visible. Le soldat de haute taille se mit soudain à louer ce qu’il pensait être son pouvoir de prédiction : « Je vous l’avais bien dit n’est-ce pas ? »
    Quelques-uns de ses compagnons s’écriaient avec force qu’eux aussi ils avaient affirmé la même chose, et ils se félicitèrent réciproquement sur cela. Mais d’autres disaient que le plan de l’échalas n’était pas du tout le vrai. Ils persistaient à croire d’autres hypothèses. Il y eut une vigoureuse discussion.
    L’adolescent n’y prit aucune part. Comme il avançait à l’écart de ses camarades en rang, il reprit son éternel débat avec lui-même. Il ne pouvait s’empêcher de s’y lover. Découragé et sombre, il jetait des coups d’œils inquiets autour de lui. À mesure qu’ils avançaient, il regardait devant lui, s’attendant à tout instant à entendre le crépitement des
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