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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
Autoren: Stephen Crane
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réflexions neuves qui l’obsédaient depuis peu.
    Il s’étendit sur une large paillasse qui occupait tout le fond de la pièce. À l’autre bout, serrées autour de la cheminée, se trouvaient les caisses à munitions vides, servant de mobilier. Une gravure provenant d’un hebdomadaire illustré était accrochée au mur en bois brut, ainsi que trois fusils bien parallèles sur leurs crochets. Les équipements étaient suspendus à portée de mains, et quelques assiettes de zinc se trouvaient sur une petite pile de bois de chauffage. Pliée en forme de tente une bâche servait de toiture, qui sous les rayons directs du soleil, brillait comme un store jaune. Une petite fenêtre jetait un carré oblique de lumière blanchâtre sur le sol jonché. La fumée, par moments, négligeait la cheminée en terre et serpentait dans la pièce : ces maigres ouvrages d’argile et de bois menaçaient constamment de mettre le feu à tout le camp.
    L’adolescent était dans un état de profonde perplexité. Ainsi, ils allaient finalement se battre. Le lendemain, peut-être, il y aurait une bataille et il y serait. Un moment, il eut de la peine à s’en convaincre. Il ne pouvait accepter sans hésitation cette annonce qu’il était sur le point de se mêler à l’une des grandes affaires en ce monde.
    Il avait, bien sûr, rêvé de bataille toute sa vie : ces vagues conflits sanglants qui l’excitaient avec leur ruée et leur feu. En rêve il s’était vu dans nombre de combats. Il imaginait les gens à l’abri sous l’ombre de ses prouesses d’aigle. Mais une fois éveillé, il considérait les batailles comme des taches écarlates sur les pages du passé. Il les classait comme des choses d’une époque perdue, avec ses images toutes faites de couronnes imposantes et de châteaux inaccessibles. Il y avait une partie de l’histoire du monde qu’il considérait comme une époque guerrière ; mais, pensait-il, il y a longtemps qu’elle est passée au-delà de l’horizon et a disparu à jamais.
    Chez lui ses yeux encore jeunes voyaient avec méfiance la guerre dans son propre pays. Ce devait être une sorte de jeu. Longtemps il désespéra d’assister à une bataille pareille à celle des Grecs. De telles luttes ne seront plus jamais se disait-il. Les hommes sont meilleurs, ou peut-être plus timides. Une éducation séculaire et religieuse aura effacé l’instinct de se prendre à la gorge ; à moins qu’une économie plus stable n’eût réfréné les passions.
    Maintes fois, il brûla de s’engager. Des histoires de mouvements importants secouaient le pays. Les combats ne devaient manifestement pas être homériques, mais ils paraissaient pleins de gloire. Il avait lu sur les marches, les sièges, les batailles, et il désirait voir tout cela. Son esprit agité lui dessinait de grands tableaux aux couleurs extravagantes, qui le fascinaient avec des hauts faits à vous couper le souffle.
    Mais sa mère l’avait découragé. Elle affectait de voir avec quelques mépris la qualité de son ardeur guerrière et son patriotisme. Elle pouvait calmement s’asseoir, et sans difficultés apparentes, lui donner des centaines de raisons pour lesquelles il était, lui, d’une plus grande importance à la ferme que sur un champ de bataille. Elle avait une certaine manière de s’exprimer qui lui disait que ses affirmations sur le sujet venaient d’une conviction profonde. De plus, il voyait que de son point de vue à elle, la motivation morale de son argument était inattaquable.
    À la fin cependant, il s’était mis en ferme rébellion contre cette flétrissure jetée sur ses ambitions hautes en couleurs. Les journaux, les discussions du village, ses propres représentations, l’avaient soulevé à une ardeur sans frein. Finalement, ils y étaient dans de vrais combats dans le coin. Presque chaque jour, les journaux imprimaient les comptes rendus d’une victoire décisive.
    Une nuit qu’il était couché dans son lit, les vents charrièrent les tintements fiévreux d’une cloche d’église : quelque exalté tirait sur la corde avec frénésie pour annoncer les nouvelles orageuses d’une grande bataille. Cette voix du peuple se réjouissant dans la nuit le fit frissonner, et le mit dans un état d’excitation prolongée qui atteignait à l’extase. Un moment plus tard il descendit vers la chambre de sa mère et lui parla ainsi : « M’an je vais m’engager. »
    – « Henri, ne fait pas
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