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Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
Autoren: Stephen Crane
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l’idiot ! » répondit sa mère, qui remonta alors la couverture sur son visage. Ce qui mit fin à la question cette nuit-là.
    Néanmoins, le lendemain matin il partit vers une ville proche de la ferme de sa mère, et s’enrôla dans une compagnie qui se formait là-bas. Quand il fut revenu chez lui sa mère trayait la vache pie. Quatre autres vaches attendaient debout.
    – « M’an, je me suis engagé », lui dit-il avec une voix mal assurée. Il y eut un court silence.
    – « Que la volonté de Dieu soit faite, Henri », avait-elle finalement répondu, et puis elle continua de traire la vache pie.
    Quand il se tint debout sur le seuil de la maison, avec sa tenue de soldat sur le dos, et une lueur d’attente et d’excitation dans les yeux qui gagnait presque celle du regret de rompre les attaches de la maison maternelle, il vit deux larmes couler sur les joues apeurées de sa mère.
    Pourtant, elle l’avait déçu, en refusant de dire quoi que ce soit sur la perspective d’un retour glorieux ou d’une mort au champ de bataille. Au fond de lui-même, il s’attendait à une belle scène d’adieu. Il avait préparé certaines phrases qu’il pensait pouvoir utiliser avec un effet touchant. Mais ce qu’elle dit ruina tous ses préparatifs. Elle s’obstinait à éplucher des pommes de terre en lui disant :
    – « Prend garde Henri, et fais bien attention à toi dans ces affaires de batailles. Prend garde et fais bien attention à toi. Ne vas pas penser qu’on peut battre toute l’armée rebelle dès le début, parce qu’on peut pas. Tu n’es qu’un p’tit gars parmi tant d’autres, et tu dois te tenir tranquille, et faire ce qu’ils te diront. Je sais comment que t’es Henri.
    Je t’ai tricoté huit paires de chaussettes, Henri, et je t’ai mis toutes tes meilleures chemises ; car je veux que mon garçon soit aussi confortable et au chaud que n’importe qui d’autre dans l’armée. Si elles sont abîmées, je veux que tu me les envoies aussitôt pour que je les raccommode.
    Sois toujours sur tes gardes, et choisis bien tes compagnons. Il y a beaucoup de mauvais types dans l’armée, Henri. L’armée les rend farouches, et ils n’aiment pas mieux que d’entraîner de jeunes gars comme toi, qui n’ont jamais été loin de chez eux et ont toujours eu leur maman à leurs côtés, pour leur apprendre à boire et à jurer. Tiens-toi loin de ces gens, Henri. Je ne veux pas que tu fasses jamais quelque chose, Henri, dont tu aurais honte que je sache. Pense seulement que je suis toujours avec toi. Si tu gardes ceci en tête, toujours, je crois que tu t’en sortiras très bien.
    Les jeunes gens dans l’armée deviennent terriblement négligents, Henri. Ils sont loin de chez eux, et ils n’ont personne qui s’en occupe. J’ai peur pour toi à propos de ça. Tu n’as jamais pris l’habitude de faire les choses par toi-même. Ainsi, tu dois continuer à m’écrire sur l’état de tes vêtements.
    Tu dois toujours te rappeler ton père aussi, mon enfant, et te souvenir qu’il n’a jamais bu une goutte d’alcool dans toute sa vie, et qu’il jurait rarement et de façon innocente.
    Je ne sais pas quoi te dire de plus, Henri, excepté que tu ne dois jamais faire aucun manquement au devoir, mon enfant, qui retomberait sur moi. Si tu te retrouves face à la mort ou s’il t’arrive de faire une chose méprisable, hé bien, Henri, ne pense à rien d’autre sinon ce qui est juste ; parce qu’il y a beaucoup de choses qu’une femme doit supporter par les temps qui courent, et le Seigneur prendra soin de nous tous… N’oublie pas de m’envoyer tes chaussettes dès qu’elles seront abîmées, et voilà une petite Bible que je veux que tu prennes avec toi, Henri. Je ne suppose pas que tu seras assis à la lire tout le jour, mon enfant, non rien de la sorte. La plupart du temps tu oublieras qu’elle est avec toi, je n’en doute pas. Mais tu auras pas mal d’occasions, Henri, quand tu auras besoin d’un conseil mon garçon, ou quelque chose comme ça, et qu’il n’y aura personne autour de toi peut-être pour te dire quoi faire. Alors si tu la consultes mon garçon, tu y trouveras la sagesse ; tu y trouveras la sagesse, Henri, sans que tu aies besoin d’y chercher longtemps.
    N’oublie pas à propos des chaussettes et des chemises mon enfant ; et j’ai mis un pot de confitures de mûres dans ton ballot, parce que je sais que tu les aimes par-dessus tout. Au revoir,
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