Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)

Titel: Le Signe rouge des braves (Un épisode durant la guerre de Sécession)
Autoren: Stephen Crane
Vom Netzwerk:
tête, il vit le soldat à la voix de stentor. Il l’interpella : « Hé Wilson ! »
    Ce dernier, s’approchant, se pencha sur lui pour le regarder de plus près :
    – « Hé bien, salut Henri, est-ce toi ? Que fais-tu là ? »
    – « Oh ! je pense, » dit l’adolescent.
    L’autre s’assit et alluma une pipe avec soin :
    – « T’as le cafard mon gars. Tu regardes comme si t’espionnais furieusement. Que diable te prend-t-il ? »
    – « Oh ! rien, » dit l’adolescent.
    La voix de stentor lança alors la discussion autour du combat à venir :
    – « Oh ! on les a maintenant ! » Comme il parlait, son visage enfantin se tordait en un joyeux sourire, et sa voix portait des accents exaltés. « Oh ! on les a maintenant. Par les foudres éternelles, on les battra à plate couture ! »
    – « À la vérité, » ajouta-t-il d’un ton plus sobre, « ils nous ont battus à chaque rencontre jusqu’à maintenant ; mais cette fois… cette fois on les battra ! »
    – « Je pensais que tu étais contre cette marche, il y a quelque temps » dit l’adolescent avec détachement.
    – « Oh, ce n’était pas ça » expliqua l’autre. « Je n’ai rien contre la marche s’il y a combat à la fin. Ce que je déteste c’est d’être déplacé ici et là sans que rien de bon n’en sorte, comme je le vois jusqu’à présent, à part des pieds meurtris et une ration diminuée. Hé bien ! Cette fois, Jim Conklin dit qu’on va avoir plein de combats. Je pense qu’il a raison pour une fois, quoique je ne voie pas comment ça va arriver. Cette fois, nous y serons dans une grande bataille, et nous en tiendrons le bon bout, c’est sûr et certain. Mazette ! Comment qu’on va les rosser ! »
    Excité, il se leva et commença d’aller et venir. La chaleur de son enthousiasme rendait son pas souple. Il était plein d’entrain, d’énergie, et sa foi au succès l’enflammait. Il voyait nettement le futur avec un regard fier, et jurait à la façon d’un vieux soldat.
    L’adolescent le regarda un moment en silence. Quand il parla sa voix était amère comme le fiel : « Ah, tu vas faire de grandes prouesses, je suppose ! »
    Le stentor, pensif, souffla un nuage de fumée de sa pipe.
    – « Oh ! Je ne sais pas ! », remarqua-t-il avec dignité. « Je ne sais pas. Je suppose faire aussi bien que les autres. J’essayerai de bien me battre comme la foudre. » Il se complimentait évidemment par cette affirmation modeste.
    – « Comment sais-tu que tu ne vas pas fuir quand le moment viendra ? » demanda l’adolescent.
    – « Fuir ? » dit le stentor, « fuir ?… bien sûr que non ! » il se mit à rire.
    – « Bien sûr », poursuivit l’adolescent « pas mal de bons gars avaient pensé faire de grandes choses avant le combat, mais quand vint le moment, ils détalèrent comme des lapins. »
    – « Oh ! c’est tout à fait vrai, je suppose », répliqua l’autre, « mais je ne vais pas détaler comme un lapin. L’homme qui pariera sur ma fuite perdra son argent, c’est tout. » Il secouait la tête avec assurance.
    – « Oh ! ça va ! » dit l’adolescent « tu n’es pas le plus brave des hommes n’est-ce pas ? »
    – « Non, je ne le suis pas », s’exclama le stentor avec indignation. « Et je n’ai pas dit que j’étais le plus brave des hommes non plus. J’ai dit que j’allais prendre ma part des combats… c’est ce que j’ai dit. Et je le pense ! Qui es-tu après tout ? Tu parles comme si tu te prenais pour Napoléon Bonaparte. » Un moment il fixa un regard furieux sur l’adolescent et s’en alla à grands pas.
    Celui-ci cria avec véhémence après son camarade : « Hé bien tu n’as pas besoin de t’affoler pour ça ! » Mais l’autre continua son chemin sans répondre.
    Quand son camarade blessé dans son amour propre eut disparu, il se sentit plus seul au milieu des champs. Son échec à trouver la moindre ressemblance de points de vue entre eux, le rendit encore plus misérable qu’auparavant. Nul ne semblait se débattre avec un problème personnel aussi effrayant. Il se sentait moralement exilé.
    L’adolescent rentra lentement dans sa tente et s’étendit sur la couverture à côté de l’échalas qui ronflait. Dans les ténèbres il vit la peur dotée d’innombrables bouches qui murmuraient sans arrêt dans son dos pour qu’il déserte, tandis que les autres feraient
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher