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Le seigneur des Steppes

Le seigneur des Steppes

Titel: Le seigneur des Steppes
Autoren: Conn Iggulden
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d’un instant, il faillit s’enfuir.
Ce ne fut pas le courage qui le retint. Il était un homme de mots et de sorts, plus
redouté parmi les Naïmans que son père ne l’avait jamais été. Fuir, c’était
mourir l’hiver venu. Il entendit le murmure du sabre que le fils de Murakh
dégainait mais n’y puisa aucun réconfort. L’allure régulière du destructeur
inspirait crainte et respect. Les armées ne l’avaient pas arrêté. Le vieux khan
leva la tête et le sentit approcher, de la même façon que ses yeux sans vue
étaient encore capables de trouver le soleil.
    Parvenu près des trois hommes, Gengis fit halte et les
regarda longuement. Il était de haute taille et sa peau brillait d’huile et de
santé. Il avait des yeux jaunes de loup dans lesquels Kökötchu, paralysé, ne
décela aucune pitié. Gengis tira de son fourreau un sabre encore taché de sang.
Lorsque le fils de Murakh fit un pas en avant pour s’interposer entre les deux
khans, Gengis le considéra avec irritation et le jeune homme se raidit.
    — Descends la colline si tu veux vivre, mon garçon. J’ai
vu assez d’hommes de mon peuple mourir aujourd’hui.
    Le jeune guerrier secoua la tête sans répondre et Gengis
soupira. D’un geste vif il écarta le sabre du Naïman puis, de l’autre main, lui
plongea un couteau dans la gorge. Le fils de Murakh tomba dans les bras ouverts
de Gengis, qui grogna sous son poids et le poussa sur le côté. Kökötchu vit le
corps rouler mollement vers le bas de la colline.
    Calmement, Gengis essuya la lame de son couteau et le remit
dans le fourreau qu’il portait à la taille. Sa fatigue devint soudain évidente.
    — J’aurais honoré les Naïmans si tu t’étais joint à moi.
    Le vieux khan le fixa de ses yeux vides.
    — Tu as entendu ma réponse, répliqua-t-il d’une voix
forte. Envoie-moi maintenant rejoindre mes fils.
    Gengis hocha la tête. Son sabre s’abattit avec une lenteur
apparente, décollant la tête du khan de son cou et l’expédiant dans la pente. Le
corps, qui avait à peine tressauté au contact de la lame, s’inclina légèrement
sur le côté. Kökötchu entendit le sang gargouiller sur la rocaille et pâlit
quand Gengis se tourna vers lui. Tous ses sens implorant la vie sauve, il se
mit à débiter un torrent de mots :
    — Ne verse pas le sang d’un chamane, seigneur. Je suis
un homme de pouvoirs qui comprend le pouvoir. Frappe-moi, tu constateras que ma
peau est de fer. Laisse-moi plutôt te servir. Laisse-moi proclamer ta victoire.
    — As-tu bien servi le khan des Naïmans en l’amenant ici
pour qu’il meure ? rétorqua Gengis.
    — Ne l’ai-je pas tenu éloigné de la bataille ? Dans
mes rêves, je t’ai vu arriver, seigneur, et je me suis préparé du mieux que je
le pouvais. Tu es l’avenir des tribus, ma voix est la voix des esprits. Je me
tiens sur l’eau, tu te tiens sur la terre et dans le ciel. Permets-moi de te
servir.
    Gengis hésita, le sabre parfaitement immobile. Sur une
tunique et des jambières crasseuses, le chamane portait un deel marron
foncé décoré de motifs brodés, de volutes violettes que la graisse et la saleté
rendaient presque noires. Ses bottes tenaient par de la ficelle et laissaient
penser qu’il les avait héritées d’un homme qui n’en avait plus l’usage.
    Il y avait cependant quelque chose dans la façon dont ses
yeux brillaient dans son visage sombre. Gengis se rappela comment Eeluk des
Loups avait tué le chamane de son père. Ce geste avait peut-être scellé le sort
d’Eeluk en ce jour sanglant, des années plus tôt. Kökötchu le regardait, attendant
le coup qui mettrait fin à sa vie.
    — Je n’ai pas besoin d’un autre conteur, déclara Gengis.
J’ai déjà trois hommes qui prétendent parler pour les esprits.
    Voyant de la curiosité dans le regard du khan, Kökötchu n’hésita
plus :
    — Ce sont des enfants, seigneur. Laisse-moi te montrer…
    Aussitôt, il passa une main sous son deel, y prit une
longue lame d’acier mal fixée à une poignée en corne. Sentant Gengis lever son
sabre, Kökötchu tendit son autre main pour arrêter le coup et ferma les yeux.
    Au prix d’un énorme effort de volonté, le chamane refoula la
peur qui lui rongeait le ventre. Il murmura les mots que son père lui avait
enseignés et sentit la transe l’envahir, plus forte et plus rapide qu’il ne s’y
attendait. Les esprits étaient en lui, leur caresse ralentissait son cœur. En
un instant, il se
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