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Le seigneur des Steppes

Le seigneur des Steppes

Titel: Le seigneur des Steppes
Autoren: Conn Iggulden
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retrouva ailleurs.
    Gengis ouvrit de grands yeux quand Kökötchu approcha la
dague de son avant-bras, l’enfonça dans la chair. Le chamane ne montra aucun
signe de douleur lorsque le métal traversa le bras et Gengis, fasciné, vit la
pointe ressortir de l’autre côté. Kökötchu battit lentement des cils, prit une
profonde inspiration et retira la lame.
    — Vois-tu du sang, seigneur ?
    Gengis fronça les sourcils en examinant la lame toujours
noire, la plaie qui ne saignait pas. Il ne rengaina pas son sabre mais s’approcha
et passa le pouce sur la blessure.
    — Non, dut-il reconnaître. C’est un tour utile. Peut-on
l’apprendre ?
    Libéré de sa peur, Kökötchu sourit.
    — Les esprits ne viennent pas à ceux qui n’ont pas été
choisis.
    Gengis recula. Malgré le vent, le chamane puait comme un
vieux bouc et le khan ne savait que penser de cette étrange blessure qui ne
saignait pas. Avec un grognement, il rengaina son arme.
    — Je t’accorde une année de vie. C’est assez pour
prouver ce que tu vaux.
    Kökötchu tomba à genoux, pressa son visage contre le sol.
    — Tu es le Grand Khan, comme je l’ai prédit.
    Des larmes noircirent la poussière de ses joues. Il sentit
les esprits murmurants le quitter et, d’un mouvement d’épaule, fit descendre sa
manche pour cacher la petite tache de sang qui s’élargissait rapidement.
    — Oui, dit Gengis, baissant les yeux vers l’armée qui
attendait son retour. Le monde entendra mon nom. L’heure n’est pas à la mort, chamane.
Nous sommes un seul peuple, il n’y aura plus de batailles entre nous. Je nous
réunirai tous. Des villes tomberont entre nos mains, de nouvelles terres nous
appartiendront. Des femmes pleureront et je les entendrai avec plaisir.
    Il observa le chamane prostré à ses pieds, plissa le front.
    — Tu vivras, je l’ai dit. Relève-toi et descends avec
moi.
     
     
    Au pied de la colline, Gengis salua de la tête ses frères
Kachium et Khasar. Chacun d’eux avait gagné en autorité depuis qu’ils avaient
commencé à rassembler les tribus, mais ils étaient encore jeunes et Kachium
sourit tandis que Gengis s’approchait d’eux.
    — Qui est-ce ? demanda-t-il en considérant le deel loqueteux de Kökötchu.
    — Le chamane des Naïmans.
    Un autre homme guida son cheval vers le petit groupe et
descendit de selle, les yeux rivés sur Kökötchu. Arslan avait été forgeron chez
les Naïmans et quand il s’approcha, le chamane reconnut en lui un meurtrier
condamné au bannissement. Il ne fut pas étonné de le voir parmi les officiers
de Gengis.
    — Je me souviens de toi, dit Arslan. Ainsi, ton père a
fini par mourir.
    — Il y a des années, parjure, répliqua Kökötchu, piqué
par le ton condescendant.
    Pour la première fois, il prit conscience d’avoir perdu l’autorité
qu’il avait péniblement acquise chez les Naïmans. Peu d’hommes de cette tribu l’auraient
croisé sans baisser les yeux de crainte. Kökötchu soutint le regard du traître
sans broncher : ils apprendraient à le connaître.
    Gengis perçut avec amusement la tension entre les deux
hommes.
    — Ne l’offense pas, chamane. C’est le premier guerrier
qui m’a rejoint. D’ailleurs, il n’y a plus de Naïmans ni de liens avec la tribu.
C’est envers moi seul que tous ont maintenant des obligations.
    — Je l’ai vu dans mes songes, s’empressa de confirmer Kökötchu.
Tu as été choisi par les esprits.
    Les traits du khan se tendirent.
    — L’armée qui nous entoure, je l’ai gagnée par la force
et la ruse. Si les âmes de nos ancêtres nous ont aidés, ils l’ont fait de
manière si discrète que je n’ai rien remarqué.
    Kökötchu cligna des yeux. Le khan des Naïmans avait été un
homme crédule, facile à mener, et son successeur semblait moins influençable. L’air
que le chamane respirait était cependant doux à ses poumons : il vivait, alors
qu’il n’en espérait pas tant une heure plus tôt.
    Chassant Kökötchu de ses pensées, Gengis se tourna vers ses
frères.
    — Que les nouveaux me prêtent allégeance ce soir, au
coucher du soleil, dit-il à Khasar. Dissémine-les parmi les autres pour qu’ils
commencent à se sentir des nôtres et ne se considèrent plus comme des ennemis
vaincus. Prends-y soin. Je ne veux pas craindre à tout instant de recevoir un
coup de poignard dans le dos.
    Khasar inclina la tête avant de s’éloigner en passant entre
les Naïmans encore agenouillés.
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