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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete
Autoren: Jose Frèches
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n’avait aucune mémoire olfactive, il consigna rapidement quelques mots sur les atroces odeurs de brûlis de matières végétales mais aussi de viande grillée d’oiseaux, de chats et de chiens, de soie brûlée, de tabac, d’encens, de myrrhe et d’huile de camphre vaporisés par les flammes qu’exhalaient, par touches successives, les pavillons incendiés.
    À ce rythme, même le peu d’or qui n’avait pas été pillé par les soldats, incrusté dans le bois et le métal, dernier vestige de la splendeur de ces lieux immémoriaux dont les Fils du Ciel avaient fait leur résidence estivale depuis des siècles, finirait par se transformer en cendres…
    Le feu, tout comme l’eau, non seulement anéantissait les choses, mais il savait aussi rappeler cruellement à l’homme la fragilité de ce qu’il a mis des siècles à construire…
    D’un pas alerte, Grant entraîna Bowles vers la salle du trône qui servait de lieu de commandement à son adjoint le général John Michel auquel il avait confié la tâche de « superviser » les opérations de mise à feu.
    Au milieu des tuiles cassées et des gravats qui jonchaient le sol, derrière une dérisoire table pliante, le lieutenant général Michel, un personnage plutôt lymphatique, que Bowles trouvait même assez nuageux, bref terriblement anglais, s’efforçait de hurler des ordres à ses officiers supérieurs qui étaient censés les répercuter à leurs capitaines et ainsi de suite jusqu’au soldat du rang lequel n’en avait cure, tout à sa frénésie de destruction et de pillage tel un chien de chasse à la curée que le maître d’équipage ne peut plus arrêter… Comme souvent au sein de la pyramide hiérarchique militaire, lorsque la situation, comme on dit, « échappe au commandement », les directives venues du sommet se dégradaient à mesure qu’elles descendaient vers la base, transformant celle-ci en une machinerie aveugle, barbare et destructrice…
    Bowles, toujours aux basques de Grant que Michel, désormais, accompagnait, quitta sans déplaisir cette caricature de salle d’état-major.
    Un peu plus loin, de l’autre côté d’une cour dont la colonnade de marbre noirci par les flammes ne soutenait plus que le ciel, il pénétra dans ce qui était, dix jours plus tôt encore, la bibliothèque impériale, riche de plus de dix mille volumes. La mémoire de la Chine n’intéressait pas plus les soldats britanniques que leurs homologues français mais elle s’était révélée un si bon combustible qu’il ne restait plus qu’une fine couche poussière de cendre où apparaissaient ici et là quelques morceaux de papier calciné !
    —  Il est dommage que vos hommes ne nous aient pas donné le temps de faire quelques caisses de ces vieux livres… Je suis sûr qu’ils auraient intéressé la bibliothèque du British Muséum… lâcha Grant à l’intention de son adjoint.
    —  Tout est allé si vite… soupira, mi-figue mi-raisin, ce dernier.
    John suivait, de plus en plus accablé, les deux généraux qui bavardaient entre eux comme si de rien n’était alors qu’ils traversaient des successions de ruines. Lorsqu’ils arrivèrent devant le célèbre bateau de marbre arrimé aux berges de l’immense lac Kunming, il faillit éclater en sanglots tandis que le clebs de Grant s’empressait d’aller y lever la patte. Tel un vaisseau fantôme réduit à ne plus être que l’ombre évanescente d’un glorieux passé, ce navire hier encore à la blancheur immaculée et reproduit tant de fois par des gravures jésuites qui avaient fait le tour du monde n’était plus qu’une fantomatique installation d’arcades craquelées et de poteaux noircis qui surgissaient des eaux glauques tristement laquées de noir.
    —  Nos sikhs aiment plus que tout le feu, se félicita bêtement Michel, alors qu’ils venaient de tomber sur un bûcher alimenté par une cohorte de petits soldats enturbannés qui riaient aux éclats.
    —  Ils sont parfois difficiles à tenir mais d’une efficacité redoutable, ces diables d’Indiens… comme d’ailleurs tous les molosses… ajouta Grant, en appuyant son propos d’un rire gras.
    Un peu plus loin, un photographe gigotait derrière son trépied, cadrant les incendies du mieux qu’il pouvait.
    —  Bonjour, Signor Felice Beato… Je vois que vous êtes à votre affaire ! s’écria le généralissime.
    —  En effet, mon général… De tout ce que j’ai photographié, rien n’égale
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