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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete
Autoren: Jose Frèches
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aux abords des tombes, une fois les Français repartis.
    —  Bowles, vous ne venez donc pas avec nous   ?
    —  Où ça, mon général   ?
    —  Au Palais d’Été, voyons !
    —  Je l’ai déjà arpenté et dessiné sous toutes les coutures… du moins ce qu’il en reste !
    —  Mais vous n’avez rien vu à côté du spectacle auquel je vous convie !
    Bowles ne comprenait pas ce que le généralissime anglais voulait dire.
    —  Vous n’êtes visiblement pas au courant !
    —  Pas vraiment !
    Une mine gourmande s’afficha sur le visage de l’officier général.
    —  L’incendie…
    —  Mais quel incendie   ?
    —  Nous avons décidé de faire du Palais d’Été un vaste bûcher… Je vous assure que le spectacle risque de valoir son pesant de cacahuètes.
    À ses pieds et comme s’il approuvait ses propos, le pékinois Rockett qui le suivait partout comme son ombre, agitait la queue. Bowles détestait encore plus Grant quand il devenait vulgaire ou qu’il fanfaronnait. Pour lui, un officier général ne devait pas s’abaisser à employer les mots de son corps de troupe. Aussi, il le regarda sévèrement, prêt à lui dire son fait. Puis, s’étant rendu compte que le généralissime, sourire aux lèvres, avait parlé tout ce qu’il y a de plus sérieusement, John, abasourdi, articula :
    —  Vous allez détruire le Yuan Ming Yuan   ?
    —  Lord Elgin me l’a ordonné. Il prétend que c’est même la seule issue possible pour donner aux Mandchous la leçon qu’ils méritent ! A vrai dire, je suis assez de son avis…
    Malgré son côté rond et rubicond, Lord Elgin cachait sous une apparence plutôt joviale un esprit extrêmement acéré. Quand il prenait une décision, le plénipotentiaire britannique voulait qu’elle fût exécutée dans l’instant. Il n’avait pas eu de mots assez durs à l’encontre des autorités mandchoues, au cours de l’hommage qu’il avait prononcé lors des obsèques de ses compatriotes.
    —  C’est à cause des otages   ?
    Le regard de Grant se durcit.
    —  Cela ne vous suffit pas   ? Des trente-sept Anglais et Français pris contre les lois de l’honneur et le droit des nations, dix-huit ont été assassinés de manière barbare… et les dix-neuf à être revenus vivants furent traités de façon horrible !
    Bowles se tut.
    Clamer son indignation ne servait à rien. S’il voulait exercer son métier de façon efficace, tout journaliste responsable devait savoir jusqu’où aller dans l’expression de son propre jugement. En l’espèce, ce qui comptait pour lui, c’était avant tout d’assister à l’embrasement du Palais d’Été, dont les lecteurs de son journal seraient évidemment friands, et non de faire état de son profond dégoût.
    Lorsqu’ils arrivèrent aux abords du Yuan Mingyuan, l’air embaumait l’essence de bois de cèdre dont les pavillons étaient faits, tandis que le ciel était obscurci par les gigantesques flots de fumée noirâtre s’échappant des ruines que le fort vent d’altitude poussait par vastes brassées en direction du nord où ils formaient une sorte de Grande Muraille boursouflée. Lorsqu’ils y pénétrèrent, les soldats du 60 e Rifles et du 15 e Punjabis, torchères à la main, couraient par petits groupes d’un endroit à l’autre en hurlant de rire, comme s’ils s’adonnaient à une macabre danse sur fond d’explosions en guise de musique. Sous le regard consterné de John et dans une atmosphère âcre que la chaleur des brasiers faisait trembloter, tout, depuis les arbres des jardins jusqu’aux poutres des palais, en passant par les débris du mobilier issus des saccages perpétrés les jours précédents, était déjà en train de griller à une vitesse hallucinante.
    —  Quel spectacle ! souffla Grant, bluffé par la vision de ces flammes qui dévoraient ces trésors végétaux et architecturaux comme un fauve la chair fraîche encore pantelante.
    Bowles se retint de lui jeter à la face qu’il trouvait ce propos parfaitement déplacé et préféra sortir son calepin pour prendre des notes plutôt que de se lancer dans une diatribe inutile. Car le mal était fait.
    Et il s’étalait devant lui sans qu’il fût besoin de le commenter. Il suffisait de le décrire. L’incendie du Palais d’Eté était si hallucinant, si énorme, si frappant pour l’esprit et somme toute si apocalyptique, qu’il ne se sentait même pas le besoin de le dessiner. En revanche, comme il
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