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Le rêve de Marigny

Le rêve de Marigny

Titel: Le rêve de Marigny
Autoren: Monique Demagny
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génie mérite l’éternité. Et l’amitié ? Marigny s’affolait. Ils étaient tous partis ! La petite Alexandrine avait mené la danse macabre, François Poisson l’avait suivie de si peu, et Jeanne qui était jeune encore, et maintenant Soufflot, l’irremplaçable ami. Le roi aussi avait quitté ce royaume. Le monde autour d’Abel n’arrêtait pas de s’effriter. Que restait-il pour s’accrocher encore un peu ? Comment persister dans des temps qui changeaient trop vite et qu’il ne reconnaissait plus ? Comment se survivre à soi-même ? Les repères s’effaçaient, Abel ne trouvait plus sa place.

    Après l’office, Marigny suivit avec Cochin le cortège qui conduisait Soufflot de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois à la vieille église Sainte-Geneviève. Il y reposerait jusqu’au moment où la nouvelle abbatiale serait achevée, l’archevêque de Saint-Brieuc dans son homélie avait exprimé le vœu que l’architecte fût alors inhumédans son chef-d’œuvre. L’argent manquait, ce n’était pas pour demain. Les délais, les calomnies, les sarcasmes de ceux qui ne voyaient pas plus loin que ce qu’ils étaient capables de comprendre, et c’était peu, avaient usé Soufflot.
    — Ils l’ont tué, dit Marigny.
    Il n’avait pas besoin de préciser, Cochin savait qu’il désignait tous les Patte de la ville et d’ailleurs.

    L’amitié de Cochin était pleine de ressources. Il souffrait avec Marigny, de la même douleur, un pan de leur vie venait de s’écrouler, mais Cochin ne se sentait pas le droit de baisser les bras et de se laisser mener par le chagrin. Il lui fallait encore aider Marigny. Ils avaient encore un bout de chemin à faire ensemble, le dernier.
    Pour tenter d’arracher Marigny à sa peine, Cochin décida de lui improviser un itinéraire de retour un peu capricieux. Ensemble ils allaient une fois encore regarder Paris à la loupe de leur passion. Il n’y avait qu’un pas de la vieille église conventuelle de Sainte-Geneviève à Sainte-Geneviève, la nouvelle, la prochaine, la si belle, qui était en train de surgir de terre pour la gloire de Soufflot. La première station de leur chemin de mémoire était plus que toute autre lourde d’émotion. Soufflot laissait derrière lui une œuvre considérable tant à Lyon qu’à Paris, mais plus que toute autre construction Sainte-Geneviève avait porté son rêve. Ce rêve-là, Marigny l’avait accompagné de toute sa force, de tout le pouvoir dont il disposait, de tout son espoir, de tout son enthousiasme. Descendu de voiture, immobile devant le chantier déserté, Marigny se prit à rêver, àimaginer. La construction, ralentie par les polémiques suscitées par Patte, interrompue par le manque d’argent sous Terray, était tout juste parvenue à la base du tambour qui devait supporter la coupole. Il suffisait pourtant à l’ancien Directeur des Bâtiments, à l’ami inconditionnel de Soufflot, de fermer les yeux, il voyait le dôme. Soufflot n’avait pas manqué son pari en construisant la plus grande église de Paris. La légèreté des colonnes, leur élégance, étaient admirables, la lumière inonderait le sanctuaire par les fenêtres hautes. Là où il en était l’édifice était déjà magnifique mais les temps futurs resteraient ébahis devant tant d’audace architecturale alliée à tant de beauté.
    — Ce sera superbe, souffla-t-il à Cochin d’une voix un peu étranglée.
    Cochin l’entraîna, ici la charge affective était trop lourde. Cochin avait bien prévu son périple. Avant de passer d’un bord de la Seine à l’autre et puisqu’on était rive gauche la voiture poussa jusqu’au palais du Luxembourg. C’était à l’ombre de ce bâtiment qu’on avait commencé quelques mois plus tôt de bâtir un théâtre pour les Comédiens-Français.
    — Voilà votre théâtre, monsieur !
    La réflexion de Cochin redonna le sourire à Marigny. En a-t-il assez rêvé d’un « vrai » théâtre à Paris !
    — Peyre va consacrer ses efforts sur l’extérieur mais on vous en a déjà parlé. La façade sera sobre, certains disent déjà qu’elle sera trop sévère !
    — Elle sera belle, Cochin, j’en suis certain. Peyre dans son projet s’inspire de l’œuvre de Palladio.
    — L’intérieur, vous le savez est confié à monsieur De Wailly. La salle, « à l’italienne », aura la forme d’un demi-cercle et sera dotée d’un parterre. On sait déjà qu’elle sera
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