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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar
Autoren: Robert Escarpit
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s’emparait d’un village et on le brûlait, massacrant tout ce qui s’y trouvait.  
    Ni Jantet ni Hugues ne participaient à ces opérations et, rentré à bord, Hazembat devait raconter par le menu ce qu’il avait fait et vu à terre. Il était horrifié de constater que ses amis prenaient plaisir au récit de ces scènes de carnage.  
    — On distingue, disait doctement Hugues, les vrais nègres des gens de couleur chez qui l’humeur âcre, huileuse et salissante qui donne leur aspect répugnant aux nègres, s’est, à la suite de croisements avec des Blancs, infiltrée sous l’épiderme, donnant naissance à ce que nous appelons la mucosité de Malpighi. Il arrive que ces gens de couleur se conduisent comme des Blancs, mais le plus souvent ils ont acquis les traits de caractère de la race noire. Parfois même, et en particulier à Saint-Domingue, ils se sont accouplés avec des nègres, ce qui a produit ce que les Espagnols appellent des saltatras, c’est-à-dire des « sauts en arrière ». Ces mulâtres ont les mêmes penchants à la sauvagerie et à la paresse que les nègres et, de plus, ils ont une prédisposition naturelle à la fausseté qui les conduit à la trahison et à la révolte.  
    Le 10 Prairial, au large de l’endroit où, cinq ans plus tôt, les nègres avaient essayé de s’emparer de la Belle de Lormont, la vigie signala un navire anglais qui venait de surgir d’un grain par un quart tribord arrière.  
    L’Anglais avait le dessus du vent. Leblond-Plassan commanda le branle-bas de combat et fit mettre toute la voile. L’enseigne Tournois, qui observait l’ennemi au télescope, dit soudain :  
    — Ils arborent le drapeau blanc, commandant ! Leblond-Plassan observa lui-même, puis, faisant vire r lo f pour lof en direction de l’Anglais, hissa aussi le drapeau blanc.  
    C’était une frégate plus lourde et mieux armée que la Bayonnaise. Quand elle fut à deux encablures, elle arbora le pavillon tricolore à la corne de misaine et envoya une volée de signaux en code français, invitant le capitaine à venir à bord.  
    — Rendez-lui la politesse, dit Leblond-Plassan. Hazembat, arme le grand canot.  
    A mesure que l’embarcation se rapprochait du navire anglais, Hazembat voyait l’équipage rangé contre le pavois et dans le gréement. Il l’entendit qui poussait des hourras.  
    Le commandant attendait Leblond-Plassan à la coupée et, quand il parut, une musique se mit à jouer La Marseillaise sur un rythme étrange.  
    Leblond-Plassan revint au bout d’une demi-heure. Il avait visiblement trinqué sans retenue avec les officiers anglais.  
    — Maintenant, dit-il à Hazembat, je commence à croire à Bonaparte. C’est la paix. Elle a été signée à Amiens le 25 mars, c’est-à-dire le 4 Floréal.  
    — La paix avec les Anglais, commandant, mais avec les nègres ?  
    — Nous aurons les mains libres. Ce n’est plus qu’une question de temps.  
    Cinq jours plus tard, rentrée à Port-Républicain, la Bayonnaise recevait l’ordre de rallier Pointe-à-Pitre pour y rejoindre les forces du général Richepanse, chargé de ramener Pelage à la raison.  
    Cette fois, l’équipage reçut des permissions de terre. Pelage s’était soumis sans combat et Richepanse tenait Pointe-à-Pitre. A travers l’esplanade où les sabliers jadis plantés par Victor Hugues comme arbres de la liberté, commençaient à grandir, Hazembat conduisit ses amis à l’auberge de Papa Lafortune. Il eut la surprise d’y rencontrer Escanot, le marin bordelais qui, en 1794, l’avait dénoncé au commissaire Cournod, alors que Victor Hugues faisait régner la terreur sur l’île. C’était maintenant un vieil homme, à la moustache grisonnante. Il n’y eut aucune allusion au passé et l’on trinqua à la paix.  
    — Je rentre en France sur une frégate qui appareille la semaine prochaine, dit Escanot. On n’a plus besoin de vieux briscards comme moi, brancaille ! J’ai ma demi-solde de premier maître et, avec un peu de gringon par-ci, par-là sur le port de Bordeaux, j’arriverai toujours à trouver de quoi chuquer.  
    Hazembat confia à Escanot une lettre pour ses parents et une autre pour Pouriquète :  
    Ma Fiancee adoree Corne tu say, la Paix ait enfin conclue. Il faut encore icy soumetre les Negres a la Loi de la Nation mais ce ne sera pas long et nous seron bienthot reunis pour la vie. Je t’ayme.  
    Ton marin Eternelemens fidèle  
    Bernard
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