Le Prisonnier de Trafalgar

des cadres de la marine pour avoir conspiré. Il paraît que c’est un républicain.  
    — Et toi, Papounet ? tu es toujours républicain ? Tu te souviens de la loge des Vengeurs du Peuple qui se réunissait dans la cale de l’ Argonaute !  
    Papounet prit un air mystérieux.  
    — Nous en reparlerons… quand nous serons en mer. Il s’était mis à tomber une petite bruine bordelaise.  
    — Je vais te montrer tes quartiers, dit Papounet. La cabine était assez vaste. Un cadre de bonne taille se balançait doucement tandis que le navire chassait sous l’effet de la marée montante.  
    — Attends, j’apporte de quoi trinquer, dit Papounet. Resté seul, Hazembat écouta avec délices la chanson du navire, faite de craquements, de pétillements, de grincements, tandis que jouaient les unes sur les autres les mille pièces de bois de la coque. Il y avait aussi, familière, l’odeur de goudron, de chanvre sec, de sentine, de soupe et de sueur humaine qui était celle de la navigation. Papounet revint avec deux gobelets et une bouteille.  
    — C’est du cœur de chauffe. Je l’ai ramené de Pointe-à-Pitre à mon dernier voyage.  
    Le parfum du rhum emplit la cabine et monta dans les narines d’Hazembat, magie venue d’un lointain passé. Il leva son gobelet.  
    — A la mer !  
    Déjà, par la pensée, il était en route, comme si, répondant à l’appel de l’océan, il rentrait enfin chez lui.