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Le Prisonnier de Trafalgar

Le Prisonnier de Trafalgar

Titel: Le Prisonnier de Trafalgar
Autoren: Robert Escarpit
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Ouzanneau, pouvons-nous savoir quel genre de cargaison nous aurons à transporter ?  
    — De l’or. Il n’y a aucune raison pour que j’en fasse un mystère : le général Leclerc m’envoie à la Nouvelle Grenade pour négocier un emprunt avec les banquiers espagnols. Les soldes n’ont pas été payées depuis trois mois et les planteurs de Saint-Domingue se font tirer l’oreille pour supporter le poids de l’armée.  
    Quand la Bayonnaise mouilla dans le port de La Guayra après un passage de huit jours, il faisait très chaud et très lourd. Le ciel était blanc d’argent. Une atmosphère d’étuve faisait ruisseler les visages et les torses nus de l’équipage.  
    — Tu parles espagnol, Hazembat, dit Leblond-Plassan. Tu m’accompagneras à terre.  
    Dès qu’ils débarquèrent, ils furent accostés par un officier tandis qu’une escouade de soldats prenait position le long du quai. Manifestement, les Espagnols n’étaient pas très accueillants pour les visiteurs.  
    C’est à cheval qu’ils firent le trajet de six lieues entre La Guayra et Caracas, escortés par un peloton de cavaliers le long d’une route de montagne. Peu habitué à caracoler, Hazembat se frotta douloureusement les fesses quand ils mirent pied à terre dans la cour de l’auberge où on les conduisit.  
    Tassée au creux de montagnes verdoyantes, Caracas était une ville ancienne, mais riche. L’altitude en rendait le climat plus agréable que celui de la côte. Tandis que Leblond-Plassan négociait avec les opulents banquiers du cacao, Hazembat eut loisir de se promener dans les rues tortueuses où il y avait davantage de Blancs que de nègres. Il lia connaissance avec un cabaretier d’origine galicienne et fut frappé de l’amertume avec laquelle ce dernier parlait du roi Carlos d’Espagne.  
    —  Aquel cabrôn, il nous a fait perdre Trinidad quand Bonaparte a signé la paix avec les Anglais ! Tout ce qui l’intéresse, c’est notre or !  
    — On dirait qu’il nous intéresse aussi.  
    — Il faudra bien qu’un jour il serve à notre peuple, caray  ! Avec votre Révolution, vous autres, Français, avez commencé quelque chose qui n’est pas près de se terminer, même si vous n’y êtes pas toujours très fidèles !  
    La négociation fut rondement menée. Cinq jours après leur arrivée à Caracas, Leblond-Plassan et Hazembat redescendirent à La Guayra avec un convoi de mules chargées de coffres cadenassés et d’une impressionnante escorte militaire. Le vent était bon, mais le temps se gâta au nord du 15 e parallèle et la Bayonnaise perdit toute une journée pour doubler la pointe de Port-Salut. Le 29 Vendémiaire enfin, elle mouilla à Port-Républicain où régnait le consternation : la fièvre jaune faisait des ravages dans le corps expéditionnaire et dans la flotte. Atteint par le mal, Leclerc se retira dans l’île de la Tortue et y mourut le 9 Brumaire.  
    La Bayonnaise déchargea ses coffres d’or sur une allège qui se tenait à distance et alla mouiller au vent de l’escadre. Pendant plusieurs jours, on n’eut aucune nouvelle de la terre. Puis on sut que le général Rocham-beau avait pris le commandement mais que le général nègre Dessalines, appuyé par des officiers comme Pétion et Christophe, avait relevé sauvagement l’étendard de la révolte à la place de Toussaint Louverture, capturé, puis exilé en France quelques mois plus tôt.  
    Tous les deux ou trois jours, un canot venait du navire amiral apporter et prendre la correspondance au bout d’une gaffe. C’est ainsi que Leblond-Plassan reçut l’ordre de se rendre à Cap-Français où la population blanche, prise de panique, massacrait les soldats noirs par centaines. Quelques patrouilles suffirent à rétablir l’ordre mais, en essayant de raisonner les colons affolés, Hazembat se rendit compte que les Blancs n’avaient plus confiance dans leur armée. Ils citaient en exemple la Martinique où Villaret-Joyeuse rétablissait les institutions d’ancien régime d’une main de fer.  
    Quand la Bayonnaise revint à Port-Républicain, l’amiral Latouche-Tréville avait pris le commandement de l’escadre. Il était populaire dans la marine et nul n’ignorait que Leblond-Plassan était de ses protégés. Le moral remonta aussitôt. Latouche-Tréville leva la quarantaine et réorganisa la flotte, assignant aux unités les tâches pour lesquelles elles étaient conçues : aux frégates la
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