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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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dans
sa chambre, dit à Nambu qui gardait la porte donnant sur la salle du
Conseil :
    — Nambu, laissez sortir M.
Revol et laissez rentrer le Duc dans ma chambre. Mais le Duc seul.
    Nambu obéissant, le Roi laissa
retomber la tenture, et restant debout derrière elle, m’appelant à son côté
(sans que j’entendisse alors pourquoi) mais ce dont je me trouvai bien, pour ce
que entre le plus long côté de la tenture et le cadre de l’huis, il y avait une
faille à laquelle je collai l’œil.
    Le Conseil, me dit plus tard
François d’O, débattait d’un état qui avait été dressé par les commis des
finances quand Revol entra, la gambe molle, le pied traînant, tant malingre et
chétif, la face tant blanche et le corps de si peu de poids et substance qu’il
paraissait lui-même quasi mort, cette mort dont il était l’humble et doux
messager auprès du Prince lorrain, vers qui se dirigeant, et à qui faisant un
profond salut, il dit d’une voix si ténue et timide qu’on eût dit son dernier
souffle :
    — Monseigneur, le Roi vous
demande de le venir retrouver en son cabinet vieil.
    Après quoi, il s’effaça, ou plutôt
fut effacé, et quasi rejeté dans le néant quand Guise se leva, dans toute la
majestueuse symétrie de son corps géantin, tant puissant, carré et musculeux
qu’il apparaissait indestructible, au surplus lumineux, et par le satin gris
pâle dont il était vêtu, et par les perles qui ornaient son pourpoint, et par
ses cheveux d’or et par ses yeux azuréens, dessinés en oblique, qui jamais ne
se fichaient sur une dame de la Cour sans qu’elle ne défaillît, sa vertu
chancelant déjà. Se penchant après s’être dressé, il plaça en son drageoir de
vermeil quelques-unes des prunes de Brignoles que M. de Saint-Prix lui avait
apportées, et jetant négligemment les autres sur le tapis de la table, il dit
sur le ton le plus enjoué :
    — Messieurs, qui en veut ?
    Quoi disant, il sourit, la mâchoire
longue et carnassière s’ouvrant sur des dents éblouissantes et comme par
orfèvre rangées. Il paraissait tout à plein remis de son malaise, sauf que du
fait de sa balafre, son œil senestre larmoyait, mais nous étions tant
accoutumés à cette double face, mi-Jean qui rit mi-Jean qui pleure, que nous
n’en fîmes que peu de cas, d’autant que son humeur était devenue fort joueuse
et fort gaie, comme s’il se fût attendu, après les fleurs et les affabilités
dont le Roi la veille l’avait couronné, que Sa Majesté ne le convoquât en le
cabinet vieil que pour débattre avec lui de sa connétablie. Jetant son grand
manteau sur les épaules, il en mit le pan tantôt sur le bras senestre, tantôt
sur le bras dextre, comme s’il eût niaisé et folâtré, nous souriant, cependant,
d’un sourire connivent comme s’il nous eût pris à témoin que le pli de sa cape
était de plus grande conséquence pour lui que son entretien avec le Roi. Ayant
ainsi fait ces divers essais et arrangements, dont la secrète irrision
n’échappait à personne, il troussa finalement la queue de son manteau sur son
bras senestre et l’y enroulant deux fois « à la bizarre » il
prit de la main gauche son drageoir et son mouchoir, de la main droite son
grand chapeau à plumes et nous saluant d’une façon quasi royale, nous dit d’une
voix forte : « Adieu, Messieurs ! », en deux pas fut à
l’huis de la chambre du Roi, auquel il toqua une fois, M. de Nambu l’ouvrant
et, sitôt le Duc passé, le reclouant et le reverrouillant, se peut un petit peu
plus fort qu’à l’accoutumée, ce qui fut cause que le cardinal de Guise sursauta
et parut se déquiéter.
    Quant à moi, l’œil placé à la faille
que j’ai dite derrière la tenture du cabinet neuf, je ne vis pas d’abord le
Guise pour ce que l’huis de Nambu était situé à la dextre de la cheminée, mais
j’ouïs son pas, et je vis les huit se lever de leur coffre, porter la main à
leur toque de velours noir pour le saluer, et le Duc contournant alors le lit
royal pour se diriger vers la porte de l’oratoire vieil, je le vis de dos, en
sa marche majestueuse et nonchalante, suivi par les huit comme par respect et
pour lui faire escorte, le bras gauche ballant et le dextre cherchant déjà
derrière leur dos, sous leur courte cape, le poignard mis à l’italienne, ce
double progrès vers ladite porte me paraissant fort lent, et du Guise et des
Gascons, aucun d’eux ne lui venant plus haut que l’épaule, tant
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