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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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se nourrir. En outre, son valet avait omis
de lui remettre son drageoir, lequel contenait des raisins de Damas dont il
usait le matin pour son déjeuner.
    — Péricard, dit-il à son
secrétaire, j’ai grand’faim. À peu que je ne défaille. Plaise à toi de te
mettre en quête de mon valet et de quérir mon drageoir.
    Péricard à peine sailli hors,
Larchant pénétra avec quelques gardes dans le Conseil et jouant son rollet à la
perfection, (et d’autant qu’il avait une de ces têtes franches, carrées et
tannées de bon soldat qui ne paraissent pas conciliables avec le mensonge) fit
au Duc un salut profond et dit :
    — Monseigneur, ces pauvres gens
m’ont prié de supplier le Conseil qu’ils demeurassent ici jusqu’à ce que Sa
Majesté y soit venue pour lui faire entendre que, s’ils ne sont pas payés, ils
seront contraints de vendre leurs chevaux pour s’en retourner chez eux à pied.
    — Monsieur de Larchant, dit
Guise, je leur servirai, et je vous servirai à vous, de tout mon pouvoir. Il
est bien raisonnable qu’on y donne ordre.
    — Mais, dit le secrétaire
d’État Marcel (à ce que je crois, tout innocemment, n’étant pas dans le
complot), je vois ici sur ce papier mille deux cents écus ordonnés pour eux.
    Oyant quoi, Larchant se retira avec
ses gardes du Conseil, mais non point assurément de l’escalier.
    Cependant, Péricard ne revenant
point avec le drageoir, le Duc, avisant M. de Saint-Prix, qui était premier
valet de chambre ordinaire, lui dit :
    — J’ai grand’faim et je suis
sans mon drageoir. Plaise à vous, Monsieur de Saint-Prix, de me bailler
quelques bagatelles du Roi.
    — Monseigneur, dit M. de
Saint-Prix, des prunes de Brignoles vous seraient-elles agréables ?
    — Assurément, Monsieur, dit
Guise.
    Là-dessus, l’huissier du Conseil qui
était Jean Guéroult rapporta au Duc son drageoir, en lui disant que les gardes
avaient barré l’accès à Péricard, quand il avait voulu rentrer en la salle. Le
Duc le mercia, mangea des prunes de Brignoles du Roi et des raisins de Damas de
son drageoir (lequel était une coquille en vermeil fort joliment ouvragée qu’il
posa sur la table du Conseil) et tout soudain pénétré par l’humidité, sa vêture
étant si légère, se leva, s’approcha du feu et dit, tout frissonnant :
    — J’ai froid ! le cœur me
fait mal ! Que l’on fasse du feu !
    Un valet de garde-robe ayant jeté un
fagot, le Duc s’assit fort près sur une escabelle, mais soit qu’il fût passé
trop soudain du froid au chaud, soit encore qu’il eût trop vite glouti les
bagatelles du Roi et les siennes, soit que sa nuit avec M me de
Sauves l’eût épuisé, son malaise s’accrut et son nez lui saigna. Cherchant
alors son mouchoir dans ses chausses, il ne le trouva pas.
    — Mes gens, dit-il, ont été
tant hâtés ce matin qu’ils ne m’ont pas baillé mes nécessités. Monsieur
Guéroult, plaise à vous de prendre la peine de tâcher de faire rentrer céans
Péricard.
    Mais Guéroult y faillant, M. de
Saint-Prix apporta au Duc un mouchoir du Roi et le secrétaire Martin Ruzé
survenant à la parfin avec l’ordre du jour, les conseillers s’assirent autour
de la table, que regagna aussi le Duc, son drageoir dans une main et son
mouchoir dans l’autre, lequel il avait en esteuf roulé, son saignement ayant
cessé.
    S’interrompt ici le récit de
François d’O de qui le furet en mes mains passant, je poursuis le conte, étant
alors en les appartements du Roi, à savoir dans le cabinet neuf, avec le Roi,
d’Entragues, Bellegarde, Du Halde et le secrétaire d’État Revol, auquel le Roi
dit, la face ferme, et la voix résolue, quoique basse :
    — Revol, il est temps. Allez
dire au Guise que je l’attends en mon cabinet vieil.
    Revol ouvrit la porte qui, du
cabinet neuf donnait dans la chambre, souleva la tenture, et tout soudain
réapparut.
    — Mon Dieu, Revol, dit le Roi,
qu’avez-vous ? Qu’y a-t-il ? Que vous êtes pâle ! Vous m’allez
tout gâter ! Frottez vos joues ! Frottez vos joues, Revol !
    — Je ne suis pas pâle, dit
Revol avec un pâle sourire. Je suis blanc de face. C’est ma naturelle couleur.
    — Mais qu’y a-t-il ? dit
le Roi. Pourquoi revenez-vous ?
    — Il n’y a point de mal, Sire.
C’est M. de Nambu qui refuse de m’ouvrir que Votre Majesté ne lui commande.
    Le Roi souleva alors la tenture, la
porte étant restée déclose, et du seuil de son cabinet neuf, sans entrer
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