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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
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salués, je
les quittai, non sans quelque malaise en mon for, tout huguenot que je fusse,
étant désatisfait des étranges sauces auxquelles les hommes – prêtres et
fidèles – mettent le Dieu qu’ils adorent et à qui ils contrefeignent
d’obéir. Car j’ai bien peur que la messe de ce jour, en l’oratoire neuf, ne fût
ni demandée, ni prononcée en conscience, et se trouvât par le Roi et ses
aumôniers ravalée au niveau d’une pratique superstitieuse.
    Quand je revins dans la chambre du
Roi, ce fut pour ouïr Sa Majesté commander à son maître d’hôtel, M. de Merle,
d’avoir à courir chez le cardinal de Guise pour le ramentevoir que le Roi
l’attendait sans faute en son Conseil, comme il l’en avait prié la veille par
lettre. À cet instant, jetant l’œil sur moi, le Roi me commanda d’aller me
poster aux verrières du cabinet vieil (d’où on avait, comme j’ai dit, des vues
sur la cour du château) et de lui revenir dire quand le Duc apparaîtrait,
devant traverser ladite cour pour aller de l’aile Louis XII où il logeait
(M me de Sauves y ayant aussi sa chambre) jusqu’à l’escalier
d’honneur.
    Je trouvai dans le cabinet vieil les
douze quarante-cinq que le Roi y avait mis, muets comme carpes, mais
point du tout aussi pacifiques, pour ce qu’ils taquinaient quand et quand la
poignée de leur épée comme si le fourreau les en eût démangés, et encore que le
Roi – au rebours de ce qu’il avait fait pour les huit de sa chambre –
ne leur eût pas dit le nom du félon dont ils auraient, le cas échéant, à couper
la retraite, je vis bien à leurs regards farouches qu’ils avaient peu de doute
sur sa personne, et peu d’amour pour lui non plus, qui les voulait casser et
renvoyer à leur gueuserie de Guyenne.
    L’aube, comme je le vis en venant
coller mon front aux verrières, était alors blafarde plutôt que blanche, les
raies obliques de la pluie diluvienne et la matinale brume obscurcissant à ce
point les choses qu’à peu qu’on eût pu distinguer un chat gris d’un chat blanc.
Il y avait bien dans la cour quelques allées et venues de dignitaires se
rendant au Conseil du Roi, mais j’attendis un long moment avant que
d’apercevoir le Duc, lequel n’était accompagné que de son secrétaire Péricard,
d’un valet portant un ombrello et d’un autre valet qui le précédait avec
une lanterne. Je reconnus le Duc de prime à sa haute taille (qui passait celle
de tout autre seigneur à la Cour) et ensuite au pourpoint et manteau gris très
clair dont il était vêtu, le Guise, qui se voulait archange, étant fort
affectionné aux couleurs lumineuses.
    Je le vis fort bien, pour ce que son
valet porte-fanal, au risque de choir sur le pavé mouillé, marchait quasi à
reculons devant lui pour le mieux éclairer. L’escalier d’honneur faisant une
très forte saillie hors la façade, je pouvais voir, l’attendant à son pied, les
gardes de Larchant, lesquels se trouvant là sous couleur de lui réclamer leur
solde, devaient, comme on s’en ramentoit, occuper les degrés jusqu’au deuxième
étage dès qu’il serait passé, refermant le piège sur lui, les escaliers e et e’ étant jà gardés, comme on sait, par les quarante-cinq. Le
Duc qui n’avait donc plus que quelques toises à parcourir pour être, étant vif
encore, un homme mort, me parut marcher d’un pas fort las, assurément fatigué
de s’être ensommeillé et désommeillé avec M me de Sauves. Et quant à
moi, à cet instant, tout grand traître qu’il fût payé par l’Espagne et ruinant
l’État, je fus saisi, quand je le vis s’approcher de la première marche de
l’escalier d’honneur, d’un mouvement de compassion, m’apensant qu’il était prêt
à tomber des bras d’une femme dans les mains de Dieu, ne saillant de la nuit de
ses voluptés que pour entrer dans une nuit éternelle.
    Il entra. Je courus l’annoncer au
Roi dont la prunelle de jais brilla d’un éclat soudain, et qui dit en se
tournant vers Bellegarde :
    — Bellegarde, commandez aux portiers
de fermer les poternes du château, dès que le cardinal de Guise et M. de Lyon
seront entrés, et dites à Nambu que nul hors le Duc de Guise ne doit d’ores en
avant franchir la porte de ma chambre.
    Puis se tournant vers les huit que
j’ai dits :
    — Asseyez-vous sur les coffres
que voilà et restez accoisés. Mais levez-vous quand le Duc entrera et le suivez
comme par respect jusqu’à la porte du cabinet
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