Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
est qu’on eût
dit un grand tigre suivi par des panthères, mais celles-ci fort dangereuses en
leur démarche souple et feutrée.
    Les deux mains du Duc étant
embarrassées, la senestre par le drageoir et le mouchoir et la dextre par son
chapeau, il souleva du coude la tenture qui fermait l’oratoire vieil, et pour
ce faire se penchant, la porte étant fort basse, et se mettant le corps en
biais, il jeta un œil par-dessus son épaule, et vit les Gascons en demi-cercle
autour de lui, si proches et leurs faces si tendues, qu’il dit mi-surpris
mi-grondant :
    — Hé, Messieurs !
    Il ne put en dire plus, La Bastide
lui saisit le bras, et Montseris lui porta le premier coup à la gorge, croyant
que le Duc, ayant sur lui une cotte de mailles, il ne le pouvait toucher que
par là, et tous alors fondant sur lui avec des jurements en oc et des « Tue !
Mordi ! Tue ! » , le saisirent, qui par les bras, qui par les
gambes, qui par son épée pour le prévenir de la tirer, et le frappèrent par
tout le corps, ayant trouvé qu’il n’avait que sa chemise sous son pourpoint, et
le Duc se débattant avec une prodigieuse force, secouant ces félins attachés en
grappes à lui, les assommant de son drageoir et de ses poings, mais à la fin
submergé par le nombre, et affaibli par le sang qu’il perdait de toutes parts
et qui tachait qui-cy qui-là son pourpoint de satin, percé et poignardé qu’il
était en toutes les parties vitales, sans que je pusse voir autre chose que
cette mêlée confuse de petits hommes vifs, féroces et hurleurs accrochés à ce
géant comme une meute aux flancs d’un sanglier, lesquels, sa résistance et son
branle cessant, le lâchèrent, croyant qu’il allait incontinent choir dessus la
place.
    Mais le Duc restant debout, quoique
chancelant, la bouche ouverte et sifflante pour reprendre son vent, tendant les
bras devant lui, son œil étant jà éteint et mi-clos, s’avança à pas trébuchants
vers le lit royal comme s’il tâchait de gagner la porte que gardait M. de
Nambu. Ce que voyant Laugnac, qui de tout ce temps était resté immobile et les
bras croisés assis sur un coffre, son épée décrochée mais non dégainée, posée
sur ses genoux, se leva et du bout du bras, il le toqua au ventre de son
fourreau, le Duc s’écroulant au pied du lit royal, la tête sur la marche, et
son grand corps maculant irrémédiablement un petit tapis de pied de Bohême qui
se trouvait là.
    Cependant, me conta plus tard
François d’O, oyant les cris et trépignements il y eut une grande commotion
dans la salle du Conseil. Tous se levèrent, et le cardinal de Guise s’écriant
« Tout est perdu ! », se précipita à l’huis de la chambre du
Roi, y toqua à coups redoublés et faillant à se faire ouvrir, courut à la porte
de la chambre de la Reine pour se mettre à la fuite. Mais le maréchal d’Aumont
se mettant tout de gob à sa traverse, mit l’épée à la main et cria :
    — Mé-Dieu ! Ne bougez,
Monsieur ! Le Roi a affaire à vous !
    Aussitôt, la salle se remplit des
gardes de Larchant, lesquels sans tant languir se saisirent du cardinal de
Guise et de l’archevêque de Lyon et les conduisirent en une petite chambre de
galetas au troisième étage, qui avait été préparée pour ses capucins par le
Roi, y ayant peu de doute dans l’esprit des conseillers et des aregardants, sur
ce qu’il adviendrait d’eux ou à tout le moins du cardinal, dès que le Roi
aurait trouvé un homme qui osât porter la main sur sa pourpre.
    Pour moi, bien je me ramentois
qu’après le moment où le Duc chut, il se passa un temps qui me parut infini
avant que le Roi bougeât, ayant sa face, à ce que je vis, tout à plein
pétrifiée, comme s’il balançait encore à croire en dépit de ses yeux,
(regardant comme moi par une faille de la tenture) que cet archi-ennemi de son
trône, de sa vie et de son État, eût cessé de lui pouvoir nuire. Et quand à la
parfin écartant de la main la portière, il se fut comme assuré de son
immobilité, il n’entra pas pourtant dans la chambre, mais restant sur le seuil,
il tourna la tête vers moi et me dit :
    — Mon fils, tu es médecin.
Confirme-moi qu’il est mort.
    Paroles par où j’entendis pour la
première fois la raison qui l’avait fait me retenir près de lui depuis la
veille.
    À la vérité, un regard eût pu me
suffire, mais voyant la sorte de certaineté que le Roi attendait de moi, je
m’agenouillai à côté du corps,
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher