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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi
Autoren: Max Gallo
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d’autres projets.
    Elle rôde dans le royaume de France, qui semble si riche, si
puissant, le modèle incomparable des monarchies.
    Et cependant on meurt de faim, et les impôts dépouillent les
plus humbles, les laissant exsangues alors que nobles et ecclésiastiques
apparaissent comme des intouchables, rapaces de surcroît, levant leurs propres
impôts, avides au point de tout vouloir s’accaparer, chassant à courre, saccageant
ainsi les épis mûrs, et traînant en justice, et parfois jusqu’à l’échafaud, les
paysans qui braconnent.
    Les « émotions », les « émeutes », les « guerres
des farines », les « révoltes des va-nu-pieds », secouent donc
périodiquement le royaume.
    Et en 1757 – le duc de Berry a trois ans –, un serviteur, Damiens,
à Versailles, porte un coup de couteau au flanc du roi bien-aimé, Louis XV. Blessure
sans gravité, mais acte révélateur et châtiment à la mesure du sacrilège.
    Porter la main sur le roi c’est frapper Dieu ! Et, dans
ce royaume où on lit Voltaire, où la favorite, Madame de Pompadour, protège les
philosophes, on va couler du plomb fondu dans les entrailles ouvertes de
Damiens, puis on va atteler quatre chevaux à ses quatre membres, afin de l’écarteler,
et, pour faciliter l’arrachement des jambes et des bras, on cisaillera les
aisselles et l’aine.
     
    La mort est à l’œuvre.
    Le duc de Bourgogne meurt le 20 mars 1761, et Louis son
cadet, âgé de sept ans, que le décès de son frère aîné a plongé dans la maladie,
emménage dans la chambre du frère défunt, celle de l’enfant choyé qu’on
préparait pour le trône et qui n’est plus qu’un souvenir exemplaire dont on ne
cesse de vanter les mérites à Louis.
    On veille de plus près sur son éducation.
    « Berry fait de grands progrès dans le latin et d’étonnants
dans l’histoire », écrit son père, le dauphin Louis-Ferdinand.
    Mais les ambassadeurs qui le scrutent puisqu’il s’est
rapproché du trône sont sans indulgence.
    « Si on peut s’en rapporter aux apparences, écrit l’ambassadeur
d’Autriche en 1769 – Louis a quinze ans –, la nature semble lui avoir tout
refusé. Le prince par sa contenance et ses propos n’annonce qu’un sens très
borné, beaucoup de disgrâce et nulle sensibilité… »
    Et l’ambassadeur de Naples ajoute un trait plus sévère
encore : « Il semble avoir été élevé dans les bois. »
     
    Louis en fait est timide, d’autant plus mal à l’aise que son
père, dauphin de France, est mort le vendredi 20 décembre 1765, et que
désormais entre la charge royale et Louis, il n’y a plus que son grand-père
Louis XV, vert encore, rajeuni par sa liaison avec la comtesse du Barry qui a
succédé à la marquise de Pompadour, décédée en 1764.
    Mais le roi est lucide, et il s’exclame, plein d’inquiétude
et presque de désespoir :
    « Pauvre France, un roi âgé de cinquante-cinq ans et un
dauphin âgé de onze ans ! Pauvre France. »
    À compter de ce mois de décembre 1765, Louis, duc de Berry, est
donc en effet dauphin de France.
    Il a onze ans.
    Il n’est qu’un enfant que l’inquiétude tenaille, qui trouve
souvent dans la maladie un refuge contre l’angoisse d’avoir un jour à être roi
de France. Dignité, charge et fonction auxquelles on le prépare en lui
enseignant l’italien, l’anglais et un peu d’allemand. Mais il aime d’abord les
mathématiques, les sciences, la géographie. Il est habile à dessiner les cartes.
    Les travaux manuels – et même ceux des jardiniers ou des
paysans qu’il côtoie – l’attirent. Il a été malingre. Il grossit, parce qu’il
dévore, engloutissant voracement, comme pour rechercher ces périodes d’engourdissement,
d’indigestion, qui lui masquent la réalité.
    Si la mort frappe d’abord Louis XV, ce qui est dans l’ordre
naturel des choses, il sera roi.
     
    Et cela l’accable.
    Et l’échéance se rapproche, puisque la mort continue à
faucher.
    La mère de Louis – la dauphine – meurt en 1767, puis, en
mars 1768, c’est la reine Marie Leczinska – la grand-mère de Louis – qui est
emportée.
    Et à chacun de ces décès c’est le dauphin – car Louis XV n’assiste
pas par exemple au service solennel à Saint-Denis en l’honneur de la reine – qui
préside ces cérémonies funèbres, à la lourde et minutieuse étiquette.
    Alors que Louis n’est pas encore roi, ces obligations
auxquelles il se soumet le paralysent, même
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