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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi
Autoren: Max Gallo
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s’il tente de donner le change. Mais
son visage rond marqué par l’ennui et presque le désespoir, son regard éteint, ses
gestes gauches, ne trompent pas.
     
    Il sait aussi qu’il ne peut combler les attentes de Louis XV,
qui ne cesse de regretter la mort du dauphin Louis-Ferdinand, son fils.
    « Vous avez bien jugé de ma douleur, écrit le roi au
duc de Parme, je me distrais tant que je peux, n’y ayant point de remède, mais
je ne puis m’accoutumer de n’avoir plus de fils et quand on appelle mon
petit-fils, quelle différence pour moi, surtout quand je le vois entrer. »
    Alors Louis, pour se protéger de cette déception, s’enferme
en lui-même, son corps s’alourdit comme si la graisse devenait une carapace, et
la myopie le moyen de ne pas voir, d’ignorer la réalité.
    Mais parfois il rompt le silence où il se terre, et dans une
réponse à La Vauguyon, il révèle son amertume et sa solitude :
    « Eh, Monsieur, qui voulez-vous que j’aime le plus ici,
où je ne me vois aimé de personne ? »
    Mais il faut accepter, subir ce que Dieu impose.
    Et le choix de Dieu s’exprime par la voix de Louis XV.
    C’est le roi qui trace la route, qui, conseillé par son
ministre Choiseul, est décidé à renforcer l’alliance avec l’Empire des
Habsbourg, et le plus symbolique et le plus efficace c’est de préparer le mariage
du dauphin avec une archiduchesse autrichienne.
    Le 24 mai 1766, l’ambassadeur de Vienne à Paris, le prince
Stahrenberg, écrit à l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche :
    « Votre Majesté sacrée peut dès ce moment regarder
comme décidé et assuré le mariage du dauphin et de l’archiduchesse
Marie-Antoinette », la plus jeune des filles de Marie-Thérèse.
    Louis XV l’a confirmé à l’ambassadeur autrichien, qui ajoute :
    « C’est aux bons offices de Monsieur de Choiseul – le
premier des ministres – que je dois principalement un succès que j’avais fort à
cœur d’obtenir. »
    Il n’est pas dans les usages que l’on se préoccupe des
sentiments du dauphin de France. La vie de Louis, duc de Berry, Louis XVI à
compter du 10 mai 1774, est donc dessinée sans qu’il ait à y redire. Et les
choix accomplis au nom de la tradition, de la politique et des décisions
royales, des contraintes dynastiques, ont modelé la personnalité de Louis.
     
    Mais maintenant qu’il est roi, il doit régner.
    Il n’est pas sûr de lui.
    On ne lui a pas appris à gouverner.
    Il sait chasser, battre le fer comme un forgeron ou un
serrurier, ou même tracer un sillon tel un laboureur, mais il ignore l’art de
la consultation et de la décision politiques.
    Il cherche autour de lui des appuis, des conseils.
    Son père, Louis-Ferdinand, avant de mourir, avait dressé une
liste de personnalités qui pourraient l’aider de leurs avis. Il interroge ses
tantes, mais les filles de Louis XV sont de vieilles demoiselles, dévotes. L’une
d’elles, Louise, a même pris le voile au carmel de Saint-Denis.
    Il se méfie de sa jeune femme Marie-Antoinette, qui n’a pas
dix-neuf ans et qui est tout entière soumise aux stratégies du nouvel
ambassadeur autrichien Mercy-Argenteau, qui veut d’abord servir Vienne.
    Il écoute les uns et les autres, hésite entre deux anciens
ministres, Machault et Maurepas, l’un de soixante-treize ans, l’autre de
presque soixante-quatorze !
    Il choisit d’abord, sur le conseil de ses tantes, Machault, puis,
cédant à d’autres influences, il opte pour Maurepas, exilé par Louis XV dans
son château de Pontchartrain. Là, Maurepas reçoit tout ce que Paris compte d’esprits
éclairés, proches de cet « esprit des Lumières », ouvert à l’économie,
aux idées que le « parti philosophique », Voltaire, l’ Encyclopédie défendent et répandent.
    Cet homme-là pourrait être son conseiller.
     
    Il lui adresse donc la lettre qu’il avait d’abord écrite à
Machault.
    « Monsieur, dans la juste douleur qui m’accable et que
je partage avec tout le royaume, j’ai pourtant des devoirs à remplir.
    « Je suis roi : ce seul mot renferme bien des
obligations, mais je n’ai que vingt ans. Je ne pense pas avoir acquis toutes
les connaissances nécessaires. De plus je ne puis voir aucun ministre, ayant
tous été enfermés avec le roi dans sa maladie. »
    Les risques de contagion imposent qu’il ne les consulte pas
avant neuf jours.
    « J’ai toujours entendu parler de votre probité et de
la réputation que
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