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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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décochait là une sagette empoisonnée. Guesclin n’en parut pas atteint. Avait-il seulement écouté ?
    – Tu aurais dû, gros couillon, songer à ta revanche… Me rejoindre plutôt que te musser dans le giron de l’Église comme il semble que tu l’aies fait.
    – Oh ! s’écria Paindorge.
    D’un regard Tristan apaisa l’écuyer.
    – Tous ces enfants, ces parents consumés dans les flammes… parce qu’ils étaient Juifs !
    Pierre de la Jugie restait coi. Le bayle frémissait d’une indignation dont Tristan ignorait la nature. Pons de Missègre demeurait de glace. Seuls quelques mouvements animaient les clercs et les hommes d’armes à leur service. Les Bretons de l’armée passaient ; quelques-uns s’arrêtaient. Les routiers qui composaient le gros de ces centuries en marche regardaient à peine leur chef dont le dialogue avec des gens d’Église importait peu.
    Olivier de Mauny apparut, toujours aussi rustique et fier de l’être.
    – As-tu besoin de moi, cousin Bertrand ?… Oh ! Je les reconnais… On les prend avec nous ?
    Il riait. Si Guesclin avait une face ronde, il l’avait, lui, tout en longueur. Une barbe d’un mois y croissait en friche.
    – Pourquoi t’ébaudis-tu, Castelreng ?
    Croisant les bras, bien droit sur sa selle, Tristan affronta du regard cet homme dépourvu d’intelligent et qui servait son cousin avec une admiration et empressement d’esclave.
    –  Te voyant plus pelu que naguère, je me disais « Tiens, un barbu qui s’arrête en rase campagne ! Tout simplement.
    – Ah ! se merveilla Pons de Missègre en toucha tant sa barbe aussi fournie que celle du Breton, je n’y avais point songé… Vous avez de l’esprit, Castelreng,
    La gaieté du clerc déplut à Guesclin autant qu’un outrage commis sur sa personne. Il semblait sombrement affligé. Afin, sans doute, de le rasséréner, Mauny suggéra d’une voix pleurarde :
    – Emmenons-le, beau parent !… Le roi t’en saura bon gré !
    Il talonnait son roncin tout aussi paré que celui de son cousin et dont les lormeries avaient été robées en Espagne.
    – Punis-le pour ses gabois 304  !
    Or, Guesclin s’était engagé sur une autre voie :
    – Dois-je te congratuler, Castelreng, ou déplorer qu’un homme tel que toi serve l’Église ?… Sire Charles t’aime bien, je m’en porte garant…
    Garantie spécieuse. Tristan sourit :
    – Donne-lui le bonjour quand tu le reverras… et laissez-moi en paix.
    Le Breton acquiesça. Honoré de la confiance du roi, admiré par ce valétudinaire en raison de sa bonne santé, il disposait d’un pouvoir rarissime dont il pouvait user sans contrainte et même à satiété. Tel un bûcheron choisissant ses arbres, il savait distinguer ses victimes et les livrer aux tranchoirs de ses satellites.
    Comprendre, pour lui, n’était rien. Ni même rapprendre : il ne savait ni lire ni, évidemment, écrire. On lui enjoignait : «  Va  » et il allait ; «  Tue  » et il tuait, « Crame les Juifs  », et jubilant et riant, il en arsait 305 des centaines. Il ne se bornait point à dominer les gens : il subjuguait le roi. Les amples revenus que lui procurait cette amitié bâtarde grossissaient un trésor qui se dispersait en soldes d’hommes de guerre toujours plus nombreux et féroces, et en acquisitions d’armes.
    – Le roi s’est inquiété de toi. Je l’ai rassuré en lui : disant que je t’avais entrevu à Nâjera et que tu étais vivant… Je lui ai dit aussi que les Anglais t’avaient élargi…
    – C’est un bien grand honneur que le roi pense à moi.
    – Tu aurais dû revenir à Paris.
    – J’avais mieux à faire : servir monseigneur de la Jugie.
    – Je n’ai pas à me plaindre de lui, concéda l’archevêque dont le visage, pourtant, se renfrognait.
    Il s’étonnait que l’attitude de son serviteur devant un guerrier dont la réputation alternativement bonne et détestable avait atteint sa chère ville, ne fût pas celle du croyant devant le dogme, mais qu’elle fût marquée, au contraire, par une sorte de mépris et de fureur répulsive. La loquèle du Breton qui confondait, comme toujours, l’aboiement et l’éloquence, aurait dû l’infor mer sur son esprit comme il semblait que c’eût été le cas pour le bayle et Pons de Missègre. Or, le roi admirant Guesclin, Monseigneur se sentait contraint à la modération.
    – Pourquoi, Castelreng, me regardes-tu ainsi ?
    Cette figure humaine
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