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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux
Autoren: Pierre Naudin
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le carrefour où le cri de l’écuyer venait d’immobiliser tout l’appareil archiépiscopal, une grosse chenille bien connue s’approchait : armes, bannières, armures, lormeries chevaux lançaient dans la nuée dépourvue de nuages, son orage d’éclairs et ses grondements de sabots innombrables.
    – Une armée, dit froidement Tristan.
    – Des routiers ?
    Pierre de la Jugie maîtrisait son cheval et son inquiétude.
    –  Monseigneur, si c’étaient des routiers, ils n’avanceraient pas en un tel conroi 298 . C’est un ost dont pour le moment, nous ne voyons que le commencement.
    Bien que n’étant point la multitude qui, trois ans plus tôt, avait envahi l’Espagne, cette foule d’hommes d’armes imposait sa force et dégageait, comme la précédente, une impression de malfaisance, de truanderie et d’abomination.
    – Le roi choisit les mêmes et va recommencer.
    – Pour quelles raisons, Castelreng ?
    – Il est sûr, monseigneur, que toutes ces armures de fer, ces haubergeons et cuiries, brigantines et cottes treillisées vont en Espagne, droitement… et pour une raison pareille à la première : placer sur le trône de Castille où le roi Pèdre siège à bon droit, l’usurpateur, le vaincu de Nâjera : Henri de Trastamare.
    – Je vous accorde, dit Pons de Missègre, que la réputation de ce prince est mauvaise dans la Langue d’Oc. Il s’y est conduit en routier.
    – C’est peut-être pourquoi le roi Charles l’admire.
    – Oh ! s’exclama Pierre de la Jugie.
    L’archevêque se scandalisait. Il ne pouvait cependant ignorer que le prétendant à la couronne de Castille était un coquin de la pire espèce, tueur de bonnes gens, ruineur de cités et villages et robeur de grand chemin.
    Si le roi Charles le soutenait dans son entreprise, c’était pour l’unique raison que Pèdre, demi-frère et concurrent du Trastamare, était l’allié du prince de Galles et d’Édouard III. Raison absurde née d’un cerveau débile : une couronne, sur une tête, ne garantissait pas la santé de l’esprit qu’elle était censée magnifier.
    Les reconnaissez-vous, messire ? dit Paindorge.
    – Hélas ! Dieu nous inflige une cruelle épreuve.
    Sous les plis des hermines à l’argent moucheté de salissures, les Bretons chevauchaient en tête. Découvrant, à une arbalétée de leur compagnie, un prélat en voyage sous la protection d’un double cercle de coadjuteurs et d’hommes d’armes, ils s’ébaudirent de la crainte qu’à bon droit d’ailleurs, ils inspiraient.
    –  Leur joie même m’effraie, avoua Pons de Missègre.
    – Seigneur ! dit le bayle en mettant pied à terre, je n’ai que mon cheval à leur disposition.
    Cette voix inconnue de Tristan ressemblait fort à celle des hommes sans ressources qu’il menaçait parfois des pires châtiments s’ils n’acquittaient pas leur dîme ou leur bladade.
    – Une bannière d’azur semée de fleurs de lis…
    Lebaudy et Lemosquet s’étaient portés en avant. Ils s’abstinrent d’annoncer l’autre bannière. Tristan ne la connaissait que trop : d’argent à l’aigle de sable, becquée et armée de gueules à la barre de gueules brochant sur le tout.
    –  Guesclin, grommela-t-il.
    Le clam 299 des Bretons retentit, hurlé comme à la guerre :
    –  Malou ! Malou ! Malou !
    Il y avait là, tous montés, des guisarmiers, vougiers, archers, cranequiniers. Trente ou quarante. Derrière, seul, chevauchant un rouan paré comme une haquenée l’homme apparut. Les mêmes membres lourds, la même attitude pensive. Il était vêtu en bourgeois, mais sa lourde épée pendait à son renge 300 . Le jeunet qui tenait le signal bien haut n’eût point regardé Dieu avec tant de ferveur.
    – Guesclin ! répéta Tristan.
    Une coulée glacée sinua dans son dos. Pourquoi cette rencontre ? Pourquoi fallait-il que ce huron endimanché croisât son chemin ? Si Pierre de la Jugie ne s’était point arrêté à Fontfroide, ils fussent passés en ces lieux longtemps avant que cette armée ne s’y fût montrée.
    – Guesclin… Hélas ! dit Paindorge.
    – Pourquoi hélas  ! écuyer ? demanda Pons de Missègre dont la voix tremblait d’émoi ou de crainte.
    Tristan devança son compère :
    – Parce que, dit-il en désignant l’aigle de la bannière, puis Guesclin qui levait enfin son court menton, parce que ce bruhier 301 est un homme terrible.
    Il eût pu dire : « ce fumeux 302  ». Il avait
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