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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne
Autoren: Marie Bourassa
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l’abbé du monastère où j’ai été soigné, une seule autre personne vivante est au courant. Aucun de ceux-là n’en dira rien. Si j’apprends que cela s’est su, je saurai qui aura parlé.
    — Vous pouvez me faire confiance, Louis. Je ne vous trahirai pas.
    — Je l’espère pour vous. Maintenant, écoutez-moi bien, car il y a autre chose qui ne vous est probablement pas encore venu à l’esprit. Cela signifie que nous ne pourrons pas avoir d’enfants.
    Les yeux de Jehanne s’écarquillèrent. Elle n’y avait effectivement pas songé. Il poursuivait :
    — C’est un mal pour un bien, en ce qui me concerne.
    — Mais n’est-ce pas là le but premier du mariage ? Pourquoi n’en aurons-nous pas ?
    — Ai-je vraiment besoin de vous l’expliquer ? Jehanne rougit et baissa les yeux sur ses mains croisées.
    — Je ne suis pas en mesure de vous transmettre ma semence.
    — Mais…
    — Vous serez bréhaigne*. C’est compris ? Si quelqu’un est assez indécent pour aborder le sujet, comportez-vous comme si je vous pénétrais normalement.
    Dits d’une manière aussi impersonnelle, ces termes crus prenaient une tonalité plus odieuse encore. Louis se détourna pour aller faire sa toilette derrière le paravent avant de s’habiller.
    — Mais moi, je voudrais avoir des enfants, dit Jehanne faiblement. Elle était au bord des larmes. Cette nouvelle était encore plus difficile à accepter après la nuit qu’elle venait de passer.
    — Renoncez-y. Aussi bien vous faire à cette idée tout de suite. Si votre besoin de vous vider le cœur devenait trop fort, épanchez-le auprès du moine. Il est l’autre personne qui est dans le secret. Moi, je ne veux plus en entendre parler.
    Son mari alla se planter devant elle. Il était de nouveau vêtu d’un habit noir propre. Mais il tenait à la main sa ceinture de cuir rouge sombre. Au lieu de la mettre, il la laissa tomber sur le giron de la jeune mariée qui pleurait tout bas. Jehanne sursauta.
    — Ce qui vous attend si vous défiez mon autorité, dit-il en baissant les yeux pour la fixer intensément.
    Jehanne retint son souffle et n’osa pas bouger.
    — Quoi ?
    Il ordonna :
    — Debout.
    Avant de se lever, la jeune femme dut prendre la ceinture pour l’empêcher de tomber. Elle n’avait aucune envie d’y toucher et elle s’empressa de la lui poser dans la main qu’il tendait pour la récupérer. Le bourreau, imprévisible, sema la confusion dans l’esprit de son épouse en l’étreignant affectueusement. Elle soupira et s’abandonna à lui, reconnaissante. Il sentit ses mains un peu tremblantes qui lui pétrirent les épaules. Il prit sa ceinture par les deux extrémités afin d’en faire une boucle. De sa main gauche, il retint Jehanne contre lui par la nuque et souleva sa chemise. Elle sursauta au contact du cuir frais dont il caressa son dos dénudé.
    — Louis, non…
    La ceinture cessa ses effleurements et se mit à frapper doucement, répétitivement un même endroit dans le dos velouté de la petite femme.
    — Notre mariage est consommé, Jehanne. Il ne sera pas annulé. Et vous êtes bréhaigne*, répéta-t-il de sa même voix grave, calme, irrésistible.
    Elle gémit et ne put s’empêcher de se tortiller, car les petits coups de ceinture commençaient à être douloureux.
    — Et si l’envie vous prenait un jour de tenter tout de même votre chance…
    La ceinture interrompit ses menaces. Il en abandonna l’un des bouts pour plaquer la boucle d’étain froid contre sa peau rougie, après quoi il la lui tint à la hauteur des yeux.
    — Vous voyez ceci ? Je puis vous garantir que ça vaut bien les barbes du fouet.
    Jehanne crut défaillir. Sam avait donc dit vrai. Mais Louis avait toujours su se montrer si aimable avec elle. Maintenant, le masque pouvait tomber, il avait obtenu ce qu’il voulait. Elle sentit tous les espoirs qu’elle avait fondés sur lui s’étioler comme neige d’avril dont l’eau s’écoula le long de ses joues.
    — Me suis-je bien fait comprendre, Jehanne ? demanda Louis. Elle parvint à répondre :
    — Oui.
    Pour l’apaiser, il la pressa fortement contre lui, la contraignant à enfouir son visage ruisselant contre l’étoffe noire de son vêtement. Il lui frotta amicalement le haut du dos avant de lui donner quelques petites tapes.
    — Bien. Tenez.
    Il la relâcha et lui tendit à nouveau sa ceinture.
    — Mettez-la-moi, dit-il.
    Et il écarta un peu les bras.
    Elle
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