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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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plaisir se déchaînèrent en Jehanne et la secouèrent comme l’esquif frêle qu’elle était. Elles engloutirent sa douleur comme si elle n’avait été que le fruit de son imagination.
    À bout de souffle, le cœur prêt à éclater, Jehanne s’affaissa. Il retira discrètement l’objet et y substitua à nouveau sa main. Un peu de glaire mêlée de sang s’écoula entre ses doigts. Il libéra doucement la tête de sa femme, qui tourna vers lui un regard étoilé, tout imprégné des larmes qu’y avait laissées l’orgasme. Elle nicha son visage contre son cou nu et y sanglota, en proie à des tremblements musculaires. Louis caressa son front et ses cheveux moites. Elle se mit à tracer sur sa poitrine d’indéfinissables dessins en émettant une suite de petits sons, comme une incantation millénaire.
    — Oh, Louis, j’ignorais que l’on pouvait éprouver quelque chose d’aussi merveilleux. Merci.
    — Tout le plaisir est pour moi.
    Il échappa une espèce de grognement et elle finit par se rendre compte que c’était son rire.
    — Vous, alors !
    Et elle s’esclaffa, elle aussi.
    Il attendit qu’elle s’assoupisse avant de faire de même.
    Un carreau* mou s’abattit sur la tête de Sam qui grommela avant de tirer son agresseur par la cheville. La pagaille qui s’ensuivit eut le même effet que le tocsin matinal dans le manoir jusque-là silencieux. Sam se mit sur pied et frotta son dos courbaturé : la paillasse trop mince qu’on lui avait prêtée n’avait pas très bien rempli sa fonction. Partout autour de lui, dans la grande pièce et même au pied de l’escalier, des formes immobiles étaient encore étendues. Quelques-unes commençaient à remuer.
    — Ôtez-vous de là, mon bon père, sinon je vous marche dessus, dit-il.
    Il attendit que le moine roule sur lui-même afin de lui permettre de passer pour sortir. Lionel n’avait pas perdu sa capacité de bien récupérer sur un sol dur : il avait abandonné chambrette et matelas aux dos douillets et s’était laissé choir sans inquiétude dans un passage avec une seule couverture et sa natte.
    Des voix enrouées venues de l’extérieur tirèrent le nouveau marié de son sommeil agité. Il sentit contre sa joue le bout d’un nez frais et quelques cheveux épars. Il y avait quelque chose du chat chez la jeune femme qui, à demi éveillée, se lovait contre lui et marmonnait sans conviction. Louis se leva et endossa sa chemise avant d’aller jeter un coup d’œil à la fenêtre.
    — Levez-vous, dit-il soudain à Jehanne.
    Ce ton péremptoire acheva de réveiller la mariée, qui se hâta d’obéir et d’enfiler sa chemise de nuit froissée. Elle n’eut guère le loisir de s’attarder à ses courbatures, ni à la douleur qui subsistait au creux de son ventre, presque entre ses jambes. Elle repoussa ses cheveux emmêlés. Louis arracha le drap qui recouvrait leur matelas de plumes.
    — Que faites-vous ? demanda-t-elle.
    Sans répondre, Louis emporta le drap à la fenêtre et le déploya au vent. Il le maintint fermement en place par un bout et referma les volets dessus. Il se retourna vers elle. Déjà, des acclamations et quelques grivoiseries répondaient à son geste.
    — Pour les empêcher de venir nous chercher tout de suite, dit-il. J’ai à vous parler.
    — Je vous écoute.
    D’un signe de la main, il l’invita à s’asseoir au bord du lit. Il marcha à travers la chambre et commença méthodiquement à y mettre de l’ordre sans même y penser. Il tira sur l’une des guirlandes, empressé, semblait-il, à faire disparaître au plus vite tout vestige festif. Jehanne jeta un coup d’œil à la tablette où il avait soigneusement rangé ses propres effets. Ils eussent pu appartenir à n’importe qui. Jehanne était montée une fois dans l’ancienne chambre de Louis. Elle avait constaté qu’il en allait des objets comme des pensées et des sentiments : Louis en prenait un soin jaloux et veillait le plus possible à ne pas y ajouter de touche personnelle. Sa façon de faire du ménage était stérile et rigide. Son petit plat à barbe et son blaireau étaient rangés de la même façon sur la tablette que s’ils n’avaient pas été déménagés. Il passa la main sur son meuble de chevet afin d’en chasser une poussière imaginaire et vint s’asseoir à côté de sa femme.
    — Ce que je vous ai dit cette nuit doit, je vous le rappelle, rester entre nous. Hormis deux physiciens*, l’infirmier et

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