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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor
Autoren: Mireille Calmel
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attirerait sur nous des regards. La nouvelle se répandrait vite et Louis ne manquerait pas d’être informé de l’intérêt qu’on vous porte. N’oubliez pas qu’il peut placer sur votre route quelqu’un qui lui serait fidèle et ramènerait en France ce que vous voulez passer à l’Angleterre.
    Quelques minutes plus tard, nous reprenions la route, en évitant soigneusement les endroits où Geoffroi d’Anjou avait posté des guetteurs. Il nous fallut traverser la Vienne à gué, en aval du confluent, non sans peine, car à plusieurs reprises, effrayés par l’eau qui leur arrivait au licol, les chevaux furent pris de panique et se cabrèrent. Un des seigneurs fut même projeté à l’eau, soulevant un éclat de rire général, mais nul n’aurait pu dire s’il était dû au seul comique de la situation ou bien à la tension nerveuse.
    Sitôt l’autre rive atteinte, nous nous activâmes à brûler les étapes, sans tenir compte de la fatigue qui commençait à tirailler mon ventre. Lorsque les murailles de Poitiers apparurent enfin, un soupir de soulagement nous échappa. Nous étions sauvées.
     
    Les fêtes pascales ne seraient pas comme les autres en cet an 1152.
    Aliénor était redevenue duchesse d’Aquitaine, et toutes ses terres et possessions lui avaient été rendues avec ce titre. Marie et Alix, arrivées avec leurs nourrices bien avant nous et par des chemins plus tranquilles, jouaient paisiblement dans les jardins et s’inquiétaient peu de la suractivité qui régnait au palais. Car tout, jusqu’au moindre détail des épousailles, était tenu secret et seuls quelques initiés savaient qu’Aliénor ne réglait pas entre ces murs que de simples affaires.
    À peine s’étonna-t-on lorsque parut aux portes de la ville la large silhouette d’Henri Plantagenêt. D’ailleurs, d’autres seigneurs lui firent suite. Et, tout naturellement, on pensa que la duchesse s’apprêtait à mettre de l’ordre sur ses domaines et à renouer les alliances avec ses vassaux ou ses voisins.
    Ce n’en fut que plus savoureux.
    Lorsque Jaufré franchit à son tour les portes de la ville, mon cœur se serra. Il avait rencontré en route quelques comparses troubadours qui ne l’avaient pas reconnu et chantaient à pleine voix. Il les avait quittés fort jeunes, avant la croisade, alors qu’ils étaient encore ses disciples, à lui et à Panperd’hu. Panperd’hu dont j’étais sans nouvelles. Il avait disparu peu de temps après avoir appris mon intention d’épouser Geoffroi de Rançon, promettant de revenir pour assister à ce mariage. Mais il me manquait. Combien il aurait été heureux de revoir Jaufré à mes côtés !
    Le chemin des troubadours jusqu’au palais fut jalonné d’enfants et de badauds qui leur faisaient une escorte joyeuse. Derrière eux, Jaufré se tenait raide et fier sur son cheval, le regard fixé sur ces diables chantants, claquant des tapes affectueuses sur les fesses de quelques filles frivoles. Je les accueillis en plaisantant et les dirigeai vers les cuisines où un repas leur était toujours réservé selon les coutumes de la maison. Puis, retenant un élan de tendresse déplacé en ce lieu, je m’avançai vers Jaufré, qui se forçait à sourire. Il me tardait de me trouver seule avec lui.
    – Viens, murmurai-je en l’entraînant.
     
    Il me suivit sans résistance. Lorsque la porte de ma chambre se referma sur nous, je nouai passionnément mes bras autour de son cou. Alors, il m’enlaça avec force, m’arrachant un souffle de surprise tant je m’attendais peu à cette vigueur, après l’apathie qui avait été sienne dans les corridors. Mais Jaufré le rude s’était déjà repris.
    – Pardon, ma douce. J’aurais voulu venir plus tôt, mais j’avais grand-peine à m’extraire de tout ce qu’il me faut accomplir pour rendre à mes gens ce qu’on leur a pris pendant mon absence. De lourds impôts ont été levés par l’intendant en vue de constituer une défense par l’achat d’armes et de mercenaires. J’ignore ce qu’il comptait faire véritablement de cette somme, mais il devra s’en expliquer devant Aliénor et Uc, car je doute que ce fût sur leur demande. Quant au reste, il me faudrait bien plus d’une journée pour te faire l’inventaire, quand je n’ai qu’un désir, celui de te retrouver plus belle et désirable que jamais.
    – Oh, Jaufré ! Je t’aime tant !
    Nos lèvres se joignirent avec violence. Mais, dans cette violence
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