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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion
Autoren: Maurice Druon
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payé.
Officiellement, Édouard II était décédé par trépas naturel. Mais qui donc,
à la cour, acceptait cette fable ?
    Le comte de Kent, le demi-frère du
mort, se pencha vers son cousin Henry Tors-Col et lui chuchota :
    — Il semble que le régicide, à
présent, donne droit de se pousser au rang de la famille.
    Edmond de Kent grelottait. Il
trouvait la cérémonie trop longue, le rituel d’York trop compliqué. Pourquoi
n’avoir pas célébré le mariage dans la chapelle de la tour de Londres, ou de
quelque château royal, au lieu d’en faire une occasion de kermesse
populaire ? La foule lui causait un malaise. Et la vue de Maltravers, de
surcroît… N’était-il pas indécent que l’homme qui avait expédié le père fût
présent, en si belle place, aux noces du fils ?
    Tors-Col, la tête couchée sur
l’épaule droite, infirmité à laquelle il devait son surnom, murmura :
    — C’est par le péché qu’on
entre le plus aisément dans notre maison. Notre ami, le premier, nous en offre
la preuve.
    Ce « notre ami » désignait
Mortimer envers qui les sentiments des Anglais étaient bien changés depuis
qu’il avait débarqué, dix-huit mois plus tôt, commandant l’armée de la reine et
accueilli en libérateur.
    « Après tout, la main qui obéit
n’est pas plus laide que la tête qui commande, pensait Tors-Col. Et Mortimer
est plus coupable assurément, et Isabelle avec lui, que Maltravers. Mais nous
sommes tous un peu coupables ; nous avons tous pesé sur le fer lorsque
nous avons destitué Édouard II. Cela ne pouvait finir autrement. »
    Cependant l’archevêque présentait au
jeune roi trois pièces d’or frappées sur leur face aux armes d’Angleterre et de
Hainaut, et chargées au revers d’un semis de roses, les fleurs emblématiques du
bonheur conjugal. Ces pièces étaient les deniers pour épouser , symbole
du douaire en revenus, terres et châteaux que le marié constituait à sa femme.
Les donations avaient été bien écrites et précisées, ce qui rassurait un peu
messire Jean de Hainaut, l’oncle, auquel on devait toujours quinze mille livres
pour la solde de ses chevaliers pendant la campagne d’Ecosse.
    — Prosternez-vous, Madame, aux
pieds de votre époux, pour recevoir les deniers, dit l’archevêque à la mariée.
    Tous les habitants d’York
attendaient cet instant, curieux de savoir si leur rituel local serait respecté
jusqu’au bout, si ce qui valait pour toute sujette valait aussi pour une reine.
    Or nul n’avait prévu que Madame
Philippa, non seulement s’agenouillerait, mais encore, dans un élan d’amour et de
gratitude, enserrerait à deux bras les jambes de son époux, et baiserait les
genoux de celui qui la faisait reine. Elle était donc, cette ronde Flamande,
capable d’inventer sous l’impulsion du cœur.
    La foule lui adressa une immense
ovation.
    — Je crois qu’ils seront bien
heureux, dit Tors-Col à Jean de Hainaut.
    — Le peuple va l’aimer, dit
Isabelle à Mortimer qui venait de s’approcher d’elle.
    La reine mère ressentait comme une
blessure ; cette ovation n’était pas pour elle. « C’est Philippa la
reine à présent, pensait-elle. Mon temps ici est achevé. Oui, mais maintenant,
peut-être, je vais avoir la France… »
    Car un chevaucheur à la fleur de
lis, une semaine plus tôt, avait galopé jusqu’à York pour lui apprendre que son
dernier frère, le roi Charles IV de France, se mourait.
     

II

TRAVAUX POUR UNE COURONNE
    Le roi Charles IV avait dû
s’aliter le jour de Noël. À l’Épiphanie, les mires et physiciens, déjà, le
déclaraient perdu. La cause de cette fièvre qui le consumait, de cette toux
déchirante qui secouait sa poitrine amaigrie, de ces crachats sanglants ?
Les mires levaient les épaules d’un geste d’impuissance. La malédiction,
voyons ! la malédiction qui accablait la descendance de Philippe le Bel.
Les remèdes sont inopérants contre une malédiction. Et la cour et le peuple
partageaient cette certitude.
    Louis Hutin était mort à vingt-sept
ans, par manœuvre criminelle. Philippe le Long était trépassé à vingt-neuf ans,
d’avoir bu en Poitou l’eau de puits empoisonnés. Charles IV avait résisté
jusqu’à trente-trois ans ; il atteignait la limite. Il est bien connu que
les maudits ne peuvent pas dépasser l’âge du Christ !
    — À nous, mon frère, de nous
saisir à présent du gouvernement du royaume, et de le tenir de main ferme,
avait
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