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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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convaincre qu’à dix-sept ans elle a encore toute la vie devant elle.
    Ils prirent place à table.
    — Et comment comptes-tu t’y prendre ? Sa famille a échoué. Comment nous, nous qui tenons une place moindre dans sa vie, y arriverions-nous ?
    — Je lui ai démontré que l’amour n’est pas tout dans la vie, même s’il revêt une importance certaine.
    — Tu sais, ma chérie, dit son père en tournant vers elle ses yeux aveugles comme pour chercher à la voir une fois encore, je doute que tu aies raison. Quand on a les moyens de vivre, fût-ce chichement, tout le reste dépend de ce que l’on aime.
    — Ne voulez-vous pas dire « de qui l’on aime », papa ?
    — Non. Un homme – ou une femme – peut aimer sa famille, ses amis, sa religion, son pays, l’argent, ou même le vin et la bonne chère. Prive-le du ou des objets de son amour et il sombrera dans le désespoir. Comme bien des plantes, l’amour peut nous nourrir et nous reconstituer, mais il peut aussi nous empoisonner. Dans ce cas, nous devons chercher son antidote et nous en servir comme d’un emplâtre afin d’extirper le poison.
    — La haine ? Vous proposez qu’elle en vienne à haïr Marc ? Mais ce n’est pas possible, papa. Non, il faut trouver un remède.
    — C’est bien de cela que nous discutons.
    — Non, vous parliez d’emplâtres.
    Ils étaient déjà quatre autour de la table. Judith, l’épouse d’Isaac, Nathan et Miriam, leurs jumeaux âgés de huit ans, et un jeune musulman d’une douzaine d’années, Yusuf, à qui le roi avait accordé la permission de vivre dans cette famille.
    — Qui a besoin d’emplâtre ? demanda Judith. La fille de Romeu ?
    — Pas encore, maman, lui répondit Raquel.
    — Comment va Regina ? C’est cette triste histoire avec le jeune Marc qui est responsable de tout, hein ? Ses parents n’auraient pas dû la laisser tomber amoureuse aussi jeune.
    — Voyons, maman, comment auraient-ils pu l’en empêcher ?
    — Ils auraient bien trouvé un moyen. Mais le jeune Marc reviendra certainement quand la guerre sera finie. Il ne peut songer à rester soldat toute sa vie.
    — C’est pourtant ce que lui a dit le Castillan. Vous vous souvenez de lui ? Il était l’officier de Marc en Sardaigne et il est rentré au pays à cause des fièvres.
    — J’ai peut-être perdu ma minceur, mais pas encore la tête, trancha Judith. Naturellement, je m’en souviens.
    — Le Castillan a recouvré la santé, et il a envoyé un message à Regina pour l’informer que son Marc ne reviendrait pas avec ses compagnons : il a rejoint un régiment d’Almogàvers et est en route pour Athènes ou je ne sais où. Il veut s’enrichir et croit que cela mérite qu’on y joue sa vie. Le Castillan a ajouté que la vie de soldat lui plaisait beaucoup.
    — Voilà qui n’est pas très encourageant. Si j’ai bien compris, Marc est pauvre ; même si Regina lui apporte une dot coquette, il ne s’enrichira pas pour autant.
    — Elle pleure à s’en rendre malade, maman, et elle refuse de s’alimenter. Elle jure qu’elle veut mourir ou encore s’habiller en soldat et partir le rejoindre !
    — Tout ça, c’est du pareil au même. Quelle idée pour une jeune fille respectable et si bien dotée !
    — Il semble que son père soit du même avis, dit Isaac. Romeu prétend n’avoir jamais rien entendu d’aussi sot de toute sa vie.
    — Ah, Isaac, reprit Judith, je crois que vous accordez trop d’importance à son chagrin. À cet âge, le plus infime souci semble aussi infranchissable qu’une montagne. Attendez une semaine ou deux et elle sera comme avant.
    — Oui, affirma Yusuf.
    Le garçon apprenait l’art de la médecine auprès d’Isaac, celui des armes et de l’équitation avec la garde épiscopale. Très récemment, l’évêque avait ajouté la philosophie à ses études et, deux fois par semaine, Yusuf se joignait à l’un ou l’autre des prêtres de la cathédrale pour lire des passages d’Augustin, de Jérôme ou de Grégoire, selon les goûts de son tuteur du jour.
    — Car les philosophes déclarent qu’une femme ne s’accroche jamais bien longtemps à une idée, ajouta-t-il.
    — Depuis quand es-tu devenu expert en femmes ? lui demanda Raquel d’un ton acerbe. Je pourrais demander la même chose à tes philosophes. Lesquels évoques-tu et quelles raisons avancent-ils ?
    — C’est quoi, un philosophe ? demanda la petite Miriam.
    — Moi aussi, je
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