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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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NOTE HISTORIQUE
    De l’automne 1354 à l’été 1355, Pere (Pedro) le Cérémonieux, roi de l’Empire d’Aragon, et Eleanora de Sicile, sa royale épouse, séjournèrent en Sardaigne, une île capitale du point de vue de la stratégie, afin de régler les problèmes posés par l’état insurrectionnel qui y régnait 1 . Le paysage politique y était semblable à un kaléidoscope riche en alliances changeantes et en loyautés incertaines, l’ennemi d’hier pouvant brusquement se muer en un ami sincère.
    Dans la péninsule Ibérique, les provinces de Catalogne et de Valence devaient assumer les lourdes dépenses occasionnées par la guerre, avec tout le ressentiment et les difficultés que cela peut engendrer.
    Les provinces avaient leurs propres dépenses. Les côtes de Catalogne étaient sans cesse harcelées par des pirates venus des divers États de la Méditerranée ; avides de trouver esclaves et marchandises aisément négociables, les pillards s’en prenaient aux petits ports, dépourvus des ouvrages de défense qui caractérisaient les villes de plus grande importance, telle Barcelone. Une fois tombés aux mains de l’assaillant, nombre de ces ports eussent été autant de portes d’entrée dans les riches et aisément franchissables campagnes de l’Empordà, l’une des terres d’Europe où l’on s’était le plus ardemment battu au cours des siècles. Entre ses collines vertes et autour de ruines antiques gisent les restes des descendants des Celtes, des Grecs et des Romains, de plusieurs groupes de Sarrasins et d’une variété d’Européens ultérieurs qui, tous, sont passés là, y ont combattu, y ont vécu et y sont morts.
    Pour se protéger, les collines de l’Empordà se hérissaient d’un réseau de citadelles. Et la route la plus commode pour y accéder était bloquée par la ville de Gérone, avec ses hautes et solides murailles.
    Sant Feliu de Guíxols était depuis longtemps une proie facile pour les pillards et les envahisseurs, au même titre que d’autres ports maritimes tel Palamós. Gérone développait ses fortifications. L’éventualité d’une guerre avec la Castille se profilait à l’horizon, et chacun avait à l’esprit une stratégie de défense. La fortification de Sant Feliu et de Palamós et l’extension de ces ouvrages défensifs jusqu’à la ville de Gérone étaient très controversées, car il s’agissait d’ouvrages lourds en termes de temps, d’effort et d’argent.

Première partie L’ORAGE

I
Quan plau a Déu que la fusta peresca
En segur port romp àncores i ormeig Quand il plaît à Dieu que les vaisseaux périssentEn un port abrité Il rompt les ancres et les gréements
    21 octobre 1354
     
    Les cloches sonnèrent entre sixte et none, juste à la fin d’une rude matinée de labeur pour les habitants – la plupart d’entre eux, tout au moins – du port maritime de Sant Feliu de Guíxols. Celles du clocher de l’abbaye bénédictine furent les premières à donner l’alarme. Puis ce fut le tour des cloches de toutes les églises du voisinage jusqu’à ce que leur vacarme réduisît au silence les cris des personnes terrifiées et les jurons des autres, mises hors d’elles.
    Près du port, une mère à l’air las arracha son bébé à son berceau pour gagner un endroit mieux protégé que le taudis qui lui tenait lieu de logis. Elle se tourna vers deux autres enfants, des garçons âgés de sept et neuf ans.
    — Prenez une couverture, leur dit-elle. Sortez d’ici et allez vous cacher.
    L’aîné se saisit d’un mince couvre-lit, attrapa son petit frère par la main et courut sans la moindre hésitation vers une niche creusée dans les rochers marquant la fin de la grève. Ils s’y faufilèrent et se blottirent l’un contre l’autre, la tête posée sur leurs bras croisés. Puis ils regardèrent en silence le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux.
    Le vent se leva, ajoutant le bruit et la confusion qui lui étaient propres au son discordant des cloches ; alors, clocher après clocher, celles-ci se turent quand les sonneurs allèrent à leur tour chercher un refuge.
    — J’ai pas assez de place, murmura le cadet.
    — C’est parce que tu grandis, lui répondit l’aîné d’une voix douce teintée d’inquiétude. Moi aussi. Il va falloir trouver une autre cachette.
    — Où ça ?
    — J’en sais rien. On verra quand ils seront partis. Tiens, regarde par là : si on bouge maintenant, ils vont nous
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