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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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voir.
    Dans la baie attendaient cinq vaisseaux, des galées au mât à voile carrée que la distance faisait paraître aussi petites qu’inoffensives. Dix embarcations dotées chacune de quatre à six paires d’avirons filaient sur la mer agitée. Quand elles furent à proximité de la grève, les rameurs sautèrent dans l’eau et les halèrent vers la terre ferme. Sans s’arrêter un seul instant, ils tirèrent leurs armes et se mirent à hurler à pleins poumons, pris de fureur destructrice, n’ayant cure ni des biens ni des vies humaines. Alors, deux hommes armés de ce qui ressemblait à des massues se détachèrent de la horde et disparurent de la vue des enfants. Ils entendirent qu’on coupait du bois et le cadet demanda :
    — Pourquoi ils font ça ?
    Un instant plus tard, ils réapparaissaient, brandissant leurs massues à présent transformées en torches embrasées.
    — Du feu, lui expliqua son frère, c’est ça qu’ils cherchaient. Ils vont incendier les maisons.
    De leur cachette, située un peu plus loin sur le littoral, ils ne pouvaient voir qu’on brisait leur porte et qu’on allumait des torches dans leur âtre, mais ils perçurent les cris, virent la fumée et sentirent l’odeur de brûlé. Le cadet fondit en larmes.
    — Arrête, chuchota son frère, tu vas nous faire remarquer.
    Non sans effort, il cessa de pleurer.
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il en désignant les vaisseaux qui mouillaient en eau profonde.
    — Ne sois pas idiot, c’est leurs bateaux, répliqua son frère avec impatience.
    — Non, le petit, là-bas.
    L’enfant tendit la main droit devant lui.
    Là, ballotté sur une mer de plus en plus agitée, flottait un minuscule canot, à peine assez grand pour les deux hommes qui l’occupaient. L’un d’eux ramait et l’autre était assis à l’arrière.
    — Il y a quelqu’un d’autre, dit l’aîné.
    — Non, fit son frère qui avait le regard plus perçant. Celui qui est derrière tient un paquet dans ses bras. Plutôt volumineux.
    Le vent reprit soudain de la vigueur et poussa le canot vers le port de Sant Feliu de Guíxols. Les enfants virent alors le rameur tenter de tenir le cap – en tirant fort sur l’aviron de gauche afin de lutter contre le vent – et de filer droit sur eux. Une grosse vague souleva le canot et le fit retomber non sans y avoir laissé une grande quantité d’eau qui, ajoutée à l’insuffisance de son équipage, le faisait tanguer et s’enfoncer dans les flots. À chaque coup d’aviron, un peu plus d’eau s’y engouffrait.
    Une saute de vent frappa le côté de bâbord de la frêle embarcation. Au même moment, une énorme vague s’abattit sur elle et le rameur tira de toutes ses forces sur l’aviron de gauche.
    — Il va couler, dit l’aîné.
    Le canot disparut. Un instant plus tard, il revenait à la surface pour se retourner, mais il n’y avait pas la moindre trace de ses occupants. Peu après, il heurta un banc de sable et disparut une fois encore, brisé.
    — Il y a quelqu’un d’accroché à un bout de bois, fit remarquer le cadet.
    — Tu as raison.
    Une lame de fond s’abattit sur le banc, soulevant l’homme et le bois pour les rejeter ensuite sur le sable humide, là où se rejoignaient la terre et la mer.
    — On va voir ce qui s’est passé, proposa le petit.
    — Tu es fou. Regarde plutôt par là. Ils reviennent chercher leurs bateaux et ils ne rapportent pas grand-chose. Ils vont être ici dans un instant. Tu veux te retrouver à Gênes ou à Venise, peut-être même en Égypte et être vendu ? On se reverrait plus jamais. Attends et ne bouge surtout pas.
     
    Ils attendirent que le dernier homme eût sauté dans la dernière embarcation puis fait la moitié du chemin jusqu’aux galées.
    — C’est bon, dit l’aîné. Dès que ce canot sera assez loin pour qu’ils ne nous voient plus…
    — C’est quand ?
    — Quand toi tu ne les verras plus. Quand il n’y aura plus qu’une tache noire sur la mer…
    Le cadet suivit du regard l’évolution de l’ultime canot.
    — Ça y est, je ne vois plus personne.
    Avec prudence, les deux enfants s’avancèrent vers le banc de sable où les restes du canot gisaient à côté d’un homme trempé.
    — Señor, dit l’aîné, vous m’entendez ? Vous êtes vivant ?
    L’homme était couché sur le ventre, un bras sur le morceau de bois qui, semblait-il, lui avait permis d’arriver jusque-là. Un petit paquet était
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