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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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de la grande salle : il comprit alors qu’il pourrait parler jusqu’à la tombée de la nuit, si nécessaire.
    Un serviteur déposa devant Berenguer une coupe de vin chaud épicé. L’évêque saisit le gobelet d’argent comme pour réchauffer ses mains et but une gorgée afin de s’éclaircir la gorge.
    La voix du bénédictin grondait et se calmait par vagues successives, mais Berenguer ne distinguait pratiquement pas un mot de ce qui se disait. Il ne désirait qu’une chose, quitter cette salle froide et sonore pour chevaucher jusqu’à La Bisbal, où une chambre l’attendait dans la résidence. La Bisbal. Ce n’était pas très loin de là. Ses pensées dérivèrent. À La Bisbal, il ne se trouverait qu’à quelques lieues de son château de Cruilles, où il avait passé des instants parmi les plus heureux de son enfance. À Cruilles, il pourrait se pelotonner auprès d’un bon feu, enroulé dans de chaudes fourrures, dans une salle aux murs tendus de tapisseries, derrière une porte bien close.
    — Votre Excellence ne voit-elle pas la situation où nous nous trouvons ? demanda l’abbé.
    Quand Berenguer se rendit enfin compte que c’était à lui qu’on s’adressait, il devina aussi que l’abbé avait plusieurs fois répété les mêmes mots. La colère lui fit monter le rouge aux joues. Désemparé, il se tourna vers le père Bernat, qui pâlit et s’empressa de tirer quelques documents du portefeuille en cuir posé devant lui.
    — Son Excellence a émis quelques propositions susceptibles de résoudre vos difficultés, monseigneur, murmura le secrétaire à l’abbé. Peut-être devrais-je vous les laisser pour vous donner le temps de les étudier à loisir avant que de reprendre notre discussion. De plus, si Votre Excellence n’y voit pas d’objection, ajouta-t-il avec un regard inquiet à l’adresse de l’évêque, je pourrais évoquer d’autres problèmes et soulever quelques points mineurs sur lesquels l’assistance et les sages conseils de Son Excellence, l’abbé, auraient la plus grande valeur.
    Berenguer serrait sa coupe et respirait les épices du vin chaud tandis que les affaires qui l’avaient amené étaient rondement diligentées par le père Bernat.
    Avant que l’abbé eût le temps d’évoquer la multitude de problèmes mis à l’ordre du jour, Berenguer se leva et s’appuya au bord de la table.
    — Mon très noble seigneur, dit-il à son hôte, je crains que nous ne devions nous excuser. Il nous faut reprendre la route dès que possible. Si vous avez la bonté de me faire parvenir la formidable liste exposée devant vous, chaque détail en sera examiné. Bernat, Francesc, nous partons sur-le-champ. Vite. Envoyez chercher ma cape la plus chaude et mon cheval et préparez-vous. Tout le reste peut être remis à plus tard.
    L’abbaye se trouva soudain en état d’effervescence.
    — Votre Excellence, murmura Francesc, quel mal vous arrive-t-il ?
    — La fièvre me guette et je dois partir quand je le peux encore, dit l’évêque, la voix rauque.
    Il se retourna pour se diriger le plus vite possible vers la porte.
    — Demandez à mon médecin de me rejoindre au château de Cruilles et laissez-nous prendre congé. Je refuse de finir mes jours à grelotter en ce lieu froid et plein de courants d’air.
    Quelques minutes plus tard, l’évêque, son serviteur personnel, les deux prêtres et quatre gardes affrontaient la grisaille et le vent changeant, annonciateur de l’orage.
    Ils avaient parcouru un tiers du chemin quand les cloches sonnèrent sexte. Le hardi cavalier qu’était Berenguer était alors penché sur l’encolure de son cheval. Deux gardes l’encadraient, plus soucieux de l’évêque que du paysage alentour. La route commençait à serpenter pour s’enfoncer dans les terres au moment où les premières gouttes de pluie s’abattirent sur la petite procession.
     
    Une heure plus tard, Daniel, Rubèn et Aaron pénétraient dans la ville de Sant Feliu de Guíxols.
    — Maître Antoni, le marchand, a sa maison dans cette rue, dit Aaron. Son entrepôt se trouve juste derrière. Je vous y conduirai en premier car j’ai des lettres et des documents d’affaires à lui remettre. Il devrait vous renseigner sur les bateaux à destination de Majorque.
    — Où allons-nous dîner ? s’enquit Rubèn.
    — En compagnie de maître Benjuha. Votre qualité d’hôte vous vaudra le meilleur accueil, maître Daniel.
    — Est-il donc si riche pour
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