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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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dîner avant que le bateau n’appareille, lui répondit Daniel. Mon oncle Éphraïm a dit qu’il devait prendre la mer dans l’après-midi, me semble-t-il. Nous avançons à bonne allure, n’est-ce pas, Aaron ?
    — À très bonne allure, maître Daniel. Mais nous pourrions peut-être presser le pas. Il y a dans l’air une odeur de pluie et je pense qu’il fait mauvais sur la côte.
    — Le vent change, dit soudain Rubèn. Je le sens. Si nous ne nous hâtons pas, le capitaine pourrait bien décider de partir plus tôt et sans nous.
    — Vous êtes bien trop jeune pour sentir le vent dans vos os, dit Aaron en riant. Mais regardez ces arbres, maître Daniel. Le jeune maître Rubèn a raison : les vents ont changé.
     
    À la même heure, Berenguer de Cruilles, évêque de Gérone, entrait dans la grande salle de l’abbaye bénédictine de Sant Feliu de Guíxols. Il frissonna. Le soleil avait disparu derrière une masse de nuages noirs et la pièce était glacée. Les cloches de tierce résonnaient encore dans sa tête et leur tintement rebondissait en écho contre le plafond voûté ; il cligna des yeux, s’assit à l’extrémité d’une longue table dont la surface sombre et vernie luisait tel un marbre glacial et humide, et il ferma les paupières comme s’il pouvait ainsi chasser le froid. Son secrétaire, le père Bernat, et son confesseur, le père Francesc, se tenaient de part et d’autre de sa personne. Francesc Pou, abbé de Sant Feliu, et quatre frères étaient installés à côté d’eux. Tous avaient l’air d’hommes prêts à confronter leurs idées pendant des heures.
    — La situation est impossible, Votre Excellence, dit l’abbé, résolu à frapper le premier. Nous ne pouvons rien faire.
    — Sa Majesté a exprimé son inquiétude à propos des pillages dont font l’objet les villes côtières, mon père, dit Berenguer avec fermeté.
    Il avait la voix grave et la baissait volontairement d’un ton pour donner davantage de poids à ses arguments.
    — Sant Feliu de Guíxols et Palamós en particulier, reprit-il. Ces deux villes ont plus d’installations maritimes que de fortifications pour les protéger.
    — Nous en sommes conscients, Votre Excellence, répondit l’abbé, mais…
    — Elles sont vulnérables aux attaques des ennemis de la Couronne ainsi qu’elles l’étaient au temps de notre noble seigneur, le roi Pedro le Magnifique, quand les Français, faisant preuve d’une grande cruauté, détruisirent la ville et massacrèrent la plupart de ses habitants.
    — Il y a peu de chances pour que nous oubliions de tels événements, Votre Excellence. Ils ont beaucoup affecté nos prédécesseurs.
    — À cause de cela, dit l’évêque en ignorant l’abbé, sont libres d’agir les Génois, les pirates et tous ceux qui ont dans l’idée de profiter de nos richesses et de notre population. Cela ne peut continuer.
    Berenguer frémit et se frotta les mains en un vain effort pour les réchauffer.
    Le père Bernat appela un serviteur à qui il adressa quelques mots à l’oreille.
    L’abbé secoua la tête, qu’il fût d’accord ou par dépit, on n’aurait su le dire.
    — Les villes n’ont pas de ressources suffisantes pour ériger des fortifications dignes de ce nom, Votre Excellence. En fait, à l’heure qu’il est, Sant Feliu ne peut même pas nous régler le loyer qu’elle nous doit. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que la responsabilité de la sécurité de cette ville repose autant sur elle-même que sur Gérone et sur l’abbaye. Les exigences de Sa Majesté nous mettent dans le plus profond embarras.
    — Pourquoi donc ? demanda l’évêque.
    — N’avez-vous pas reçu mes lettres, Votre Excellence ?
    — Si, mais il ne serait pas raisonnable d’y mettre des explications que le premier venu pourrait lire. Dites-moi, avec franchise et honnêteté, pourquoi les ressources financières d’une ville apparemment prospère et vivante n’ont jamais suffi et ne suffisent toujours pas à payer son loyer à l’abbaye, laquelle ne peut par conséquent contribuer à la protéger des pillards.
    — Les raisons remontent à plusieurs années. Certaines sont honnêtes, d’autres s’expliquent peut-être mieux par la cupidité des hommes, soupira l’abbé.
    Il rassembla les documents éparpillés devant lui et se lança dans une longue explication desdites raisons. Berenguer regarda l’abbé et remarqua qu’il fixait un point du plafond voûté
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