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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable
Autoren: Marc Paillet
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fut-il ainsi ? Tu dois répondre !
    — Oui, finit-elle par répondre d’une voix à peine audible.
    Le missus la dévisagea, puis lui posa cette question :
    — Alard en était-il le père ?
    Alors, Erwin la vit se redresser avec une vigueur inattendue et il aperçut un tout autre visage, celui qui, malgré les rides et les cheveux blancs, rappelait sans doute l’adolescente folle de tous les plaisirs, hardie, effrontée qu’elle avait été.
    — Si Alard était son père ? Je n’en sais rien ! jeta-t-elle en une sorte de défi. Devrais-je encore en éprouver de la honte, un demi-siècle, ou presque, après ? Non, mon père, j’en ai épuisé les remords et les chagrins ! Je n’en sais rien et sais-tu pourquoi, homme de Dieu ? Parce que nos ébats, alors, étaient si scandaleux, dans l’obscurité propice de la nuit, et nos jeux si pervers, que je ne peux rien en savoir. C’est ainsi que je fus, abbé, oui, c’est ainsi ! Des années et des années de vertu n’en ont rien effacé. Rien !
    Aussi subitement qu’était apparu son visage de jadis, Adelinde montra à nouveau, sous le regard stupéfait du Saxon, celui de l’aïeule sage et estimée.
    — Oh ! j’en fus bien punie, dit celle-ci. L’enfant que j’avais mis au monde ne vécut pas… Quand on me montra son cadavre, je faillis mourir de chagrin. J’ai pleuré, tant pleuré, des semaines durant… des mois…
    Elle ajouta, songeuse :
    — Peut-être a-t-il fallu ce calvaire pour que je devienne celle que je suis, digne épouse, et fidèle, de Frébald, digne mère, et aimante, de ses enfants…
    Erwin fit quelques pas de long en large.
    — Comment peux-tu être certaine, dit-il tout à coup, que le cadavre qu’on t’a présenté était celui de ton enfant ?
    — N’as-tu pas encore compris que je ne suis sûre de rien ! s’écria-t-elle. Ah ! j’y ai pensé jusqu’à en devenir folle ! Cela m’a hantée… et pendant tant d’années ! Quand il m’arrivait de rencontrer Robert, enfant, puis adolescent, combien de fois n’ai-je pas scruté son visage en me demandant : n’est-il pas mon fils ? Et encore à présent… La matrone qui m’a accouchée m’a affirmé que mon enfant était mort-né. Je l’ai interrogée cent fois. Elle m’a toujours répondu que le pitoyable petit corps sans vie qu’elle m’avait montré était bien… Oh ! Dieu !
    — S’agissait-il d’un mâle ?
    — Qu’est-ce que cela prouve, si ce n’était pas mon enfant ! répliqua-t-elle. Qu’est-ce que cela prouve si mon fils ou ma fille, bien en vie, avait été confié à une nourrice… comme Constance !
    — De sorte que Robert pourrait, après tout…
    Adelinde jeta un regard noir à Erwin et, lui coupant la parole, s’écria :
    — Et, alors, qu’aurais-je dû faire ? Bien que je n’aie pu acquérir aucune certitude, ni dans un sens, ni dans un autre, aurais-je dû reconnaître en Robert le fils d’Alard, lequel fut peut-être – je dis bien hélas ! « peut-être » – amant furtif d’une débauche ? Avec quelles conséquences ! Deux familles foudroyées, un désordre épouvantable, la honte et le scandale, la ruine et la déchéance !… Un tel désastre pour un « peut-être » ? Et justifié par quoi ?
    Erwin hocha la tête.
    — Oui, par quoi ? dit-il, songeur… Mais c’est maintenant seulement que j’aperçois la vérité tout entière…
    L’abbé saxon jeta sur Adelinde un regard miséricordieux.
    — Dès le début, n’est-ce pas, tu l’as soupçonné… Ne me dis pas non… Avec ce que tu savais sur ses prétentions, sur sa hargne, sa violence et ses menaces… Mais voilà : le dénoncer ? Sur de simples présomptions, accuser celui qui était « peut-être » ton fils ?
    Adelinde, accablée, baissa la tête.
    — Mais à quoi servirait, poursuivit Erwin, de t’adresser maintenant des reproches pour un passé qui n’a cessé de te harceler et pour un présent détestable ? Tentons plutôt de ne rien ajouter à ce gâchis. Robert… comment n’aurait-il pas été renforcé dans ses convictions, outre tout ce qu’il croyait savoir, par ton indulgence même ? Est-il besoin de soutenir qu’il était la proie de forces infernales pour expliquer sa fureur et ses forfaits ?
    — Non, murmura-t-elle en retenant ses larmes à grand-peine.
    — Son châtiment sera sévère, inévitablement, ajouta l’abbé saxon, mais peut-être pourrai-je arracher qu’il ne soit pas
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