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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable
Autoren: Marc Paillet
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que vous ?
    — A la même enseigne ? Ah oui, vraiment ! ironisa Robert.
    — Vois-tu, affirma Isembard, ces Nibelung ne cessent pas d’intriguer. Ils assiègent le comte d’Auxerre Ermenold et aussi l’évêque Aaron pour que, même dans le cas où des terres seraient restituées aux abbayes, les leurs soient épargnées au détriment des nôtres.
    — Oublierais-tu que ni le comte ni l’évêque n’ont voix au chapitre quand il s’agit de monastères et de terres royales ? rappela Timothée.
    — Certes, mais ils tentent de faire de l’évêque ainsi que du comte leurs zélateurs auprès de ta mission, abbé Erwin, car elle représente précisément ici la toute-puissance et le bon vouloir de l’empereur, repartit Robert.
    Et le frère d’Isembard ajouta sur un ton où perçait l’insolence sous le respect :
    — Ces Nibelung ne vont-ils pas proclamant, avec impudence, que le comte Childebrand, missus dominicus également, ne saurait que leur être favorable, étant de la même lignée…
    — Il suffit, jeta Erwin qui se leva. Oublies-tu à qui tu parles ?
    — Je n’aurais garde, répliqua Robert.
    — Je te prie de croire… commença Isembard.
    — Je ne crois rien, coupa le Saxon, sinon en Dieu et en la gloire de celui qui le sert avec excellence ici-bas : l’empereur Charles, roi des Francs et des Lombards.
    Aussitôt après, Erwin quitta, sans un mot de plus, la table du banquet. Il faisait encore jour en cette fin du mois d’avril de l’an 804 quand, suivi de son assistant, il quitta Luchy où se situait la résidence des Gérold, non sans avoir fait une visite de courtoisie à Helma, la mère d’Isembard qui n’avait pas assisté au repas et qui avait pris sa collation en compagnie de sa petite-fille Clotilde.
    Le missus et le Grec cheminèrent un long moment en silence, au pas lent de leurs montures, salués respectueusement au passage par les colons et les esclaves qui travaillaient sur le domaine des Gérold et qui regagnaient leurs masures, râteau et houe sur l’épaule, tandis que gambadaient autour d’eux des enfants criards qui ramenaient sacs à victuailles et gourdes vides. Comme ils arrivaient en vue de Notre-Dame-là-dehors, le Saxon arrêta son cheval pour promener un long regard sur la ville d’Auxerre.
    — Vision émouvante, dit-il à mi-voix.
    — Comment cela, seigneur ? demanda Timothée.
    — Trois cités comme celle-ci tiendraient à l’aise dans un seul quartier de Bagdad, n’est-ce pas ?
    — Assurément !… Ou dans un seul de Constantinople.
    Erwin pencha la tête, songeur.
    — Tant de faiblesse ici, reprit-il, au regard des richesses de toutes sortes, des multitudes, du luxe et de la puissance que nous avons observés là-bas, et qui nous ont étonnés… Et pourtant, si le Tout-Puissant l’a permis, c’est que…
    — Oui, seigneur ?…
    — Je sens dans ce pays-ci, lequel, depuis que nous nous sommes rendus en Orient ( 3 ), me paraît plus rude que jamais, une force neuve, un bouillonnement… Tandis que, là-bas, nous avons pu apercevoir des fissures dans la splendeur, ici, je distingue de la vigueur dans notre austérité. Déjà, Charles a ressuscité l’empire de Rome. Déjà, derrière les conquêtes de ses armes, viennent celles du savoir… Et surtout, guidée par l’Esprit saint, la vraie foi avance en tout lieu.
    L’abbé saxon conclut avec un sourire :
    — Crois-moi, Christ n’a pas fini de nous mener sur des chemins nouveaux.
    Les deux hommes prononcèrent une courte prière, avant de reprendre leur route vers Auxerre. Ayant franchi l’enceinte de la ville, ils descendirent par des rues étroites où s’affairaient commerçants et badauds qui s’effaçaient pour les laisser passer, parfois avec crainte, le plus souvent avec une parole de bienvenue, vers la résidence attribuée à la mission impériale et qui était située non loin de l’Yonne.
    Erwin y retrouva le comte Childebrand qu’il mit au courant des incidents qui s’étaient produits en sa présence, sans mentionner toutefois l’allusion faite par Robert à la solidarité des Nibelung.
    Le comte, cependant, réagit avec vigueur :
    — Qu’est-ce que cette histoire ? s’écria-t-il. Qu’est-ce que cela signifie ? Adelinde, Frébald mis en cause ? Pourquoi Isembard n’y a-t-il pas mis le holà tout de suite ?
    — Il a vaguement tenté de le faire, dit l’abbé saxon.
    — Vraiment, ami, est-il tolérable qu’un goujat déverse, en
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