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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable
Autoren: Marc Paillet
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et qui semblait, lui aussi, soucieux.
    A ce moment, le missus dominicus vit s’avancer, accompagnée par les nobles épouses de ses enfants, une femme de haute stature, vêtue d’une tunique blanche serrée à la taille par une large ceinture ouvragée. Sa chevelure grise était recouverte d’un voile très fin, maintenu par un bandeau serti de pierres précieuses.
    Elle s’approcha de Childebrand et le salua d’une lente inclination du buste, avec le respect qu’on doit à un envoyé du souverain et la dignité d’une Nibelung. Quand elle redressa son visage, le comte put juger que l’âge n’en avait en rien altéré le charme.
    — Bienvenue, seigneur, bienvenue, mon cousin, en cette demeure qui est la tienne puisque tu représentes ici Charles, l’empereur, maître en tout lieu, dit-elle.
    — A Charles seul appartient le privilège d’être maître en tout lieu, répondit Childebrand. Mais je te remercie, noble Adelinde, pour cet accueil.
    Frébald avait fait préparer par son intendant général Malier, à l’intention des missi dominici, un état complet du domaine constituant le bénéfice des Nibelung d’Auxerre : emplacements de toutes les parcelles, superficie et nature de chacune d’elles, nombre de manses, hommes et bétail, basse-cour, récoltes engrangées et prévues, leur répartition, activités artisanales, outillages, domesticité, et, bien entendu, tout ce qui avait trait à l’ost en cette trente-septième année du règne de Charles. On ne fit grâce de rien au comte Childebrand. Le maître du domaine en attendait-il un satisfecit ? Le représentant du souverain se souvint du récit qu’Erwin lui avait fait de sa réception chez les Gérold et s’abstint de tout commentaire.
    — Voilà, à l’évidence, un inventaire complet, se borna-t-il à dire.
    — Je suis heureux de cette appréciation, estima quand même Frébald. Tu as pu vérifier avec quelle rigueur est géré le domaine que nous avons reçu de mains royales. Il le faut bien d’ailleurs. Adelinde m’a donné trois fils, et mes fils, à leur tour, dix descendants, six jeunes hommes forts et vaillants, quatre filles dont une seule, Ada, n’est pas encore mariée. Avec ses alliances, ma famille est donc nombreuse. Vaste pour un seul couple au moment de son attribution, ce domaine l’est beaucoup moins aujourd’hui pour plusieurs. De plus, comme tu as pu le constater, il n’est pas d’un seul tenant ; certaines parcelles se trouvent à dix ou quinze lieues d’ici, difficiles à contrôler, difficiles à exploiter.
    — Je vois, dit simplement Childebrand. Mais les choses sont ainsi.
    — Le resteront-elles ?
    Frébald prit un ton confidentiel :
    — Les abbayes, murmura-t-il, les abbayes !… Celle de Saint-Germain surtout… Les abbés… Ah ! ils sont insatiables… Des bonniers ( 5 ), encore des bonniers, il leur en faut sans cesse davantage. Et, naturellement, que guignent-ils ? Oh ! je n’aurai pas la prétention de t’apprendre quoi que ce soit, à toi qui sillonnes l’empire… Mais il s’agit bien de ces terres dont des souverains ont disposé jadis en faveur de leurs plus proches compagnons et aussi de celles qui sont allées à des filles de haut lignage…
    L’époux d’Adelinde espérait une réplique qui ne vint pas.
    — Il y a malheureusement un précédent, reprit-il. L’évêque Maurin, prédécesseur d’Aaron à la tête de ce diocèse, est parvenu à faire restituer des biens aux abbayes Saint-Gervais, Saint-Martin et Saint-Eusèbe !… Et quand je dis « restituer »… Je sais qu’aujourd’hui des abbés intriguent, surtout, je te l’ai dit, celui de Saint-Germain…
    — Si je t’ai bien compris, dit le comte Childebrand sans répondre directement à la question, Gérold et Nibelung, je veux dire dans leurs domaines, seraient également visés…
    Après un court silence, il reprit de l’air le plus innocent :
    — Vous devez donc être convenus d’une entente étroite pour faire face au danger que tu dis, si véritablement danger il y a.
    — Hélas, hélas ! s’écria Frébald montrant une vive contrariété, comment s’entendre avec ces gens-là ? Isembard est un homme cauteleux, doucereux, sournois, profondément mauvais. Son fils Badfred n’est pas moins méchant, mais avec agressivité, violence, se plaisant à faire le mal et toujours à manigancer quelque méfait. Quant à Robert !… Il n’est que le demi-frère d’Isembard, et celui-ci
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