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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable
Autoren: Marc Paillet
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murmura-t-il.
    Il médita un long moment, puis, d’un ton las, il reprit :
    — Puis-je te demander de te rendre sans moi chez les Nibelung, au domaine d’Escamps ? Je veux et je dois consacrer cette journée à la prière et au souvenir. Alcuin n’est pas seulement pour moi cette lumière que tu as dite. C’est lui qui m’a fait venir de Northumbrie ( 4 ), où son propre génie avait pris son essor. C’est lui qui a guidé mes premiers pas à la cour du roi Charles, il t’en souvient, n’est-ce pas. C’est lui qui m’a fait admettre dans l’entourage même du souverain ; c’est lui qui nous a présentés l’un à l’autre, mon ami. C’est encore à lui que je dois d’avoir été distingué par le roi, lequel a fait de moi, en ta compagnie, l’un de ses missi dominici… Ah ! cette première enquête que nous avons menée ensemble à Autun !… C’est lui qui a conseillé récemment à l’empereur de nous confier cette ambassade auprès du calife de Bagdad. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai compris pleinement l’importance de l’œuvre de rénovation à laquelle il a consacré sa vie et que je seconde au mieux de mes pauvres mérites.
    — Non pas pauvres, en vérité ! objecta le comte.
    — Toute louange ne doit-elle pas être réservée sur cette terre à Charles, notre souverain, et à son merveilleux serviteur qui se meurt, à Alcuin ? Maintenant m’accorderas-tu de rester seul, ce jour, en tête-à-tête avec lui ?
    Erwin était déjà plongé, à genoux, dans une profonde prière quand Childebrand, silencieusement, le quitta.
     
    Dès son arrivée aux limites du domaine d’Escamps, le comte, qui était accompagné par Doremus, assistant des missi dominici, et escorté par quelques gardes, fut accueilli par une douzaine de cavaliers. Bernard, fils aîné de Frébald, se détacha de cette troupe et s’avança vers lui.
    — Nous sommes heureux et honorés de te recevoir, comte Childebrand, déclara Bernard. Honorés d’avoir pour hôte un missionnaire du souverain, heureux que ce soit un membre éminent de notre famille, et j’ajouterai fiers de tes exploits, mon cousin.
    — En fait de vaillance, votre père n’a jamais eu à rougir ni de toi ni de tes frères Théobald et Héribert, et je sais que vos fils, à leur tour, vous font honneur, répondit Childebrand, conformément aux usages.
    — Cependant, l’abbé Erwin ne devait-il pas nous faire visite également ?
    — Il a malheureusement été retenu par des travaux urgents.
    Un sourire apparut sur les lèvres du fils de Frébald. Pensait-il que le comte Childebrand avait écarté le Saxon pour demeurer seul avec les siens ? Ce soupçon irrita sourdement le missus dominicus.
    Le cortège prit la direction de la villa des Nibelung. Bientôt Childebrand et son escorte arrivèrent en vue d’un ensemble d’habitations au centre duquel se trouvait la demeure des maîtres, soit plusieurs corps de bâtiments, pour Frébald lui-même, ses trois fils et leurs familles, et qui étaient construites en bois sur de fortes assises de briques et de moellons s’élevant jusqu’au deuxième étage. Aux deux ailes se trouvaient les écuries, les greniers, les resserres, le cellier et les communs affectés à la domesticité. Un peu à l’écart étaient situés les ateliers et logis des artisans, et, plus loin, les chaumières et masures des jardiniers, cultivateurs et pasteurs, esclaves pour la plupart. Tous regardaient, debout, à distance respectueuse, cette troupe prestigieuse qui rendait les honneurs à un homme plus redoutable encore que leurs seigneurs : l’envoyé tout-puissant de l’empereur.
    Frébald attendait son hôte sur le seuil de sa demeure. C’était un homme sec et droit comme un javelot, de haute taille, au visage profondément marqué par l’âge, au regard dur. Il s’avança vers Childebrand qui était descendu de cheval et lui donna une longue accolade. Derrière lui se tenaient les hommes de sa lignée, son fils Théobald ainsi que Bernard, et ses six petits-fils. Il les présenta tour à tour et excusa son troisième fils, Héribert, qui avait été retenu sur une parcelle éloignée du domaine. En regardant les visages de ces hommes qui exprimaient fierté et hardiesse, Childebrand se souvint des craintes formulées la veille par son ami Erwin et qui concernaient les conséquences éventuelles de l’algarade de Wadalde. Il jeta un coup d’œil sur Doremus qui se tenait non loin de lui
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