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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable
Autoren: Marc Paillet
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je l’avais, sans aucun doute, refermé. Je m’approchai de l’écrit sacré, intrigué, et mon regard fut irrésistiblement attiré par ces paroles adressées par Jésus aux apôtres : “Dans la maison de mon père, il y a beaucoup de demeures : sinon vous aurais-je dit que j’allais préparer le lieu où vous serez ? Lorsque je serai allé vous le préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je suis, vous serez aussi.” Or, juste au moment où ces versets me sautaient aux yeux, voici qu’on vint m’apporter ton message. Je le lus et tombai à genoux ; je ressentis la certitude lumineuse que le Ciel me confirmait, pour toi, la prodigieuse promesse du Rédempteur. »
    Quand il eut terminé cette lettre, l’abbé Erwin, après l’avoir confiée à un courrier, s’abîma à nouveau dans la prière.
     
    Timothée avait passé la journée à tendre l’oreille. Le matin, il s’était rendu au marché et avait bavardé avec des maraîchers, étaliers, fermières et colporteurs. Puis il avait dîné ( 9 ) d’une soupe au lard avant de reprendre son enquête, sans grande illusion quant à ses résultats. Doremus, lui, aurait su mettre ses interlocuteurs en confiance. Revêtu d’habits modestes il aurait pu se faire passer pour un colon aisé ou un commerçant, ce que lui aurait facilité sa connaissance des dialectes bourguignons. Mais lui, Timothée, avec son teint mat, son collier de barbe, sa mise simple et pourtant recherchée, c’est de la méfiance qu’il inspirait. Il croyait la lire dans les yeux des passants. Cependant, le bruit ne tarda pas à se répandre qu’il appartenait aux missi dominici récemment arrivés. Il cessa d’être regardé de travers comme étranger, mais inspira alors de la crainte comme ceux qui servent la toute-puissance ; et sa quête d’informations continua à ne produire que de piètres résultats.
    Assez mécontent de lui, il se dirigea en fin d’après-midi vers la Taverne du Cygne d’Or , située non loin de l’abbaye Saint-Germain. Il y avait donné rendez-vous au frère Antoine.
    Quand le patron, maître Gérard, le vit entrer, il s’approcha solennellement de lui.
    — Je suis très honoré, déclara-t-il avec un profond salut, de recevoir ici un membre éminent de la mission impériale.
    Le Grec pensa que, décidément, il était désormais connu comme le loup blanc.
    L’aubergiste désigna une table située un peu à l’écart.
    — Nous y serons plus tranquilles, dit-il, pour boire ensemble un bon pot de vin de Loire que j’aurai grand plaisir à t’offrir… et aussi pour bavarder.
    Quand ils furent installés, l’aubergiste fit apporter par une servante gobelets et pichet ainsi que du pain et du fromage. Son hôte et lui burent le vin de la bienvenue que Timothée déclara fort à son goût.
    Maître Gérard se pencha alors vers Timothée.
    — Je suis heureux, confia-t-il, que soient venus en notre ville des missi dominici de grande renommée – on se souvient encore de la justice qu’ils ont rendue à Autun –, assistés par des hommes d’expérience comme toi. Car la situation à Auxerre est bonne si on veut, mais également mauvaise, il faut bien le dire. Elle est bonne parce que la renommée de ses saints y conduit nombre de pèlerins, parce que la prospérité des abbayes y a amené des centaines d’écoliers, parce que, dans la paix, la population s’accroît, que le foirail et le marché sont abondamment achalandés… et – dame ! – c’est bon pour moi… Mais d’un autre côté…
    — Je t’écoute.
    — Eh bien, d’abord, cette rivalité, pire, cette hostilité entre ceux de Frébald et ceux d’Isembard… Tu me diras que cela ne me regarde pas.
    — Ai-je dit quoi que ce soit ?
    — Et pourtant si, cela me regarde, par la force des choses. Il y a environ deux mois, des hommes d’armes de l’un et l’autre camp se sont livrés à une bataille rangée ici même, oui, là où nous sommes ! Tables et sièges brisés, tonneaux éventrés, portes enfoncées… J’en passe… Et des blessés, dont trois sérieusement atteints… Selon toi, qui a payé les dégâts ?
    — Toi, évidemment.
    — Mais plus récemment encore, lors d’une réception organisée par le comte Ermenold, Badfred, le fils d’Isembard, s’est pris de querelle avec Louis, l’un des deux fils de Héribert. Les voilà qui brandissent leurs armes ; ils se précipitent l’un vers l’autre en se
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