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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable
Autoren: Marc Paillet
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nom ?
    L’inconnu, cependant, s’était levé subitement et avait déjà tourné les talons. Timothée appela maître Gérard qui accourut.
    — Comment se nomme, s’enquit-il, celui avec qui j’ai conversé et qui vient de partir ?
    — C’est Albéric, le plus jeune des fils de Théobald, fils lui-même de…
    — … Frébald, je sais.
    — C’est un homme pondéré, très mûr pour sa jeunesse, tout le contraire de ces furieux dont je t’ai parlé, qui tirent leurs glaives pour un oui ou pour un non.
    — Merci l’ami !… Maintenant le frère Antoine ne devrait guère tarder. Dirige-le immédiatement vers moi !
    En fait, la nuit étant tombée, il aurait dû avoir rejoint depuis un long moment déjà le lieu de son rendez-vous avec Timothée. L’attente se prolongeait et celui-ci se trouva partagé entre des sentiments contraires : la colère (« Cet idiot aurait-il oublié ce dont nous étions convenus ? ») et de fâcheux pressentiments. Il s’était résigné à souper seul et terminait son repas par un bouillon de volaille aux pois chiches quand il vit arriver, avec la vélocité et la vigueur d’un éléphant qui charge, son ami le Pansu qui lui jeta :
    — Vite, Goupil, on y va : à la résidence ! Dodon est venu m’alerter à l’abbaye. Il paraît qu’il y a du nouveau… et du vilain.
    Le frère Antoine s’était exprimé avec allégresse. Il ne détestait certes pas les travaux érudits, mais il appréciait aussi (« surtout », affirmait Timothée) des actions plus aventureuses comme celles qui lui permettaient de mettre en œuvre ses talents d’archer ou d’utiliser ses impitoyables couteaux de jet.
    Après que le moine se fut quand même désaltéré d’un grand gobelet de vin, les deux hommes quittèrent la taverne pour gagner rapidement leur quartier général.
     
    Ce même après-midi, alors qu’approchait l’heure de la collation du soir, Arger, vicaire du comte Ermenold pour le bourg de Toucy, discutait encore avec des commerçants qui étaient venus se plaindre des tonlieux, trop élevés et perçus indûment selon eux. Le vicaire, personnage de petite taille, au teint et au tempérament bilieux, défendait âprement ses percepteurs, quand Favier, doyen des colons cultivant les manses avoisinant Toucy, pénétra en trombe dans la pièce. Il présentait tous les signes d’une frayeur extrême, s’agitant de façon désordonnée et montrant un visage bouleversé aux yeux exorbités. Le vicaire et les négociants s’étaient retournés, stupéfaits par cette apparition, et observaient l’homme de la bouche duquel ne sortaient que des balbutiements inintelligibles.
    — Le diable… le diable… parvint-il enfin à articuler.
    — Quoi, le diable ? lança Arger, irrité. Et d’abord, que signifie cette façon d’entrer ici comme dans une écurie ?
    — … le Gué du diable…
    — Encore ce Gué du diable ! Encore quelque femelle agressée par un diable en rut ?
    — Non, maître, un cadavre… un cadavre, c’est sûr !
    — Serais-tu saoul par hasard ?
    — Oh ! non, pas du tout, dit Favier qui s’était repris. On travaillait du côté du Vernoy, mais sur l’autre rive de l’Ouanne, en face, sur tes champs…
    — Viens au fait !
    — On a vu des choses vers le gué, comme des… On n’aime pas ça, mais on s’est quand même approchés… Pas trop, parce que, là, on a vu un homme immobile, baignant à moitié dans l’eau, ses jambes… Ah, il ne bougeait plus du tout ! Mort, c’est sûr !
    — Es-tu certain de cela ? demanda le vicaire qui voyait avec déplaisir s’éloigner le moment de son souper. Gare à vous si vous avez encore inventé quelque fable sur la malédiction de ce Gué du diable !
    — J’ai vu, de mes yeux, vu !
    — Soit ! dit Arger en se levant et en jetant un regard noir au doyen. Allons, puisqu’il le faut ! Mais si par hasard…
    Il acheva sa phrase avec un geste menaçant.
    Devant la résidence du vicaire, une quinzaine d’hommes et de femmes attendaient le résultat de la démarche entreprise par Favier, en commentant bruyamment l’événement. Quand Arger apparut, les bavardages cessèrent tout à coup. Le vicaire ordonna à deux miliciens de se rendre aux écuries pour en ramener trois chevaux, un pour lui et deux pour eux-mêmes, ainsi qu’une charrette tirée par des bœufs. Ayant enfourché sa monture et encadré par ses gardes, il prit la direction du Gué du diable, suivi par
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