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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable
Autoren: Marc Paillet
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représenter par sa naissance. Ils allaient lui voler ce qui était devenu sa raison d’être. On célébrerait en tout lieu, peut-être même en présence de Charles empereur, la jonction de deux lignées illustres. Et, lui, il serait définitivement rejeté dans une bâtardise humiliante. Sa folie, de ce fait, atteignit un tel degré de rage qu’on put le croire en effet tombé sous l’emprise de puissances infernales… Et moi…
    Adelinde fit un effort pour ajouter :
    — … les écailles me tombèrent des yeux. Je compris tout à la fois quel était son nouveau dessein criminel et quels avaient été ses forfaits, en fonction d’un plan… diabolique.
    Elle s’effondra, en proie à une crise de larmes. Erwin fit appeler une servante qui apporta à Adelinde une infusion d’aubépine, apaisante et réconfortante. Quand elle fut en état de reprendre son témoignage, le Saxon, évitant d’évoquer à nouveau les agissements de Robert, l’interrogea sur la fuite des deux jeunes gens.
    — Quelque chose de grave, de très alarmant, d’immédiatement dangereux a dû les y contraindre, estima-t-elle. Peut-être ce cavalier masqué dont Gerberge t’a certainement parlé et qui a rôdé la nuit autour de la résidence. Albéric a-t-il reconnu Robert dont Clotilde lui avait sans nul doute rapporté les menaces et les fureurs ? Ont-ils estimé le péril imminent ? Mon petit-fils ne m’a prévenue de leurs intentions qu’au tout dernier moment. J’ai tenté en vain de le convaincre qu’il renonce à les mettre en œuvre. « C’est une question de vie ou de mort », me dit-il, et d’un tel ton, avec un tel visage, que je ne fis plus d’objection. D’ailleurs, je le sais réfléchi, sérieux malgré son jeune âge. En une telle occurrence, il n’avait certainement pas pris sa décision à la légère. Je lui ai demandé seulement de me confier le secret de leur retraite…
    — N’est-ce pas toi plutôt qui la lui as suggérée ? demanda Erwin.
    — L’essentiel, c’est que j’aie pu t’en avertir.
    Alors, se levant, elle déclara avec gravité :
    — Je veux te dire, mon père, toi qu’un miracle a placé, épée en main, entre un agresseur dément et ces enfants, je dois te dire, comte Childebrand, mon cousin, toi qui as empêché un affrontement de dégénérer en massacre, toute la gratitude d’une aïeule. Vous avez sauvé la vie d’Albéric qui m’est cher et celle de Clotilde, jeune fille bien née, belle et vertueuse, qui m’est devenue chère. Je sais, hélas ! de quel prix l’une et l’autre famille ont payé leurs errements. Puissent ces drames être les derniers. Puisse le Ciel m’entendre !
     
    Adelinde, que sa confession avait épuisée, s’était retirée dans une chambre pour y prendre du repos, avant de regagner Escamps. Elle se disposait à partir quand l’abbé saxon se fit annoncer et se présenta à elle en lui demandant de bien vouloir excuser son insistance.
    — Je n’ignore pas, lui dit-il, quelle épreuve tu viens de subir, mais, d’un autre côté, je ne peux pas perdre de vue que nous tenons le sort de Robert entre nos mains, car, je dois te le rappeler, la gravité de sa peine va dépendre du jugement qui sera prononcé à Aix. Cela me touche personnellement. C’est à moi, en tant qu’abbé, que s’adresseront sûrement les autorités religieuses pour se forger une opinion sur un point capital : les actes commis par Robert impliquent-ils ou non une emprise de forces démoniaques ?
    — Ne connais-tu pas à ce sujet tout ce qu’on peut en savoir ? répondit-elle d’un ton las.
    — Non, je ne le crois pas ! affirma Erwin assez sèchement. Pour s’engager comme il l’a fait dans une voie détestable, parce qu’il croyait que toi, la Nibelung, tu étais sa mère, il a bien fallu que Robert ait d’autres raisons qu’une similitude de noms et que certaines coïncidences de dates et de lieux ; il lui a fallu une conviction. Laquelle ?
    Adelinde baissa la tête sans répondre.
    — Soit, dit le Saxon, je vais devoir être plus clair. Après la visite que lui avait faite Constance et n’obtenant rien de toi, Robert s’est rendu à Senlis et à Compiègne. Comment, de qui a-t-il obtenu le renseignement qu’il recherchait, je ne le sais. Il a donc appris que, jadis, si tu avais été enfermée dans un couvent, cela n’avait pas eu seulement pour motif de t’éloigner des débauches de la cour… Mais tu attendais un enfant ! En
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