Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
mécontents obéirent. Déjà, les hommes de la Compagnie blanche s’éloignaient en bon ordre ; et les archers, derrière leurs bannières. Devant eux, les ribaudes fuyaient, par crainte de payer cher la déception de tous ces vaincus.
    — Alors, Canole ? interrogea Guillaume en se gardant de manifester une satisfaction par trop moqueuse, susceptible de déchaîner la colère de son adversaire et de tout compromettre. Tiendrez-vous vos serments ? Partirez-vous avant ce soir ?
    Une grimace plissa les lèvres de l’Anglais. Il haussa les épaules, tandis qu’Ogier continuait d’observer ce visage maussade qu’une lutte obscure contractait.
    — Votre orgueil saigne ?
    — Il saigne, en effet, damoiseau !
    — Votre avidité sans frein et votre goût forcené des batailles vont-ils triompher de vos engagements ?
    Knolles se détourna comme pour dissimuler son indécision. Et soudain, en revenant vers Ogier, son visage eut une expression singulière : un dépit mêlé d’inquiétude en crispait les traits :
    — Comment pourrais-je renier ma parole ?… L’air d’ici est désormais malsain pour moi… Et non seulement à cause de la puanteur des morts, mais en raison de ce qui vient.
    Sans manœuvrer son destrier, l’Anglais tendit la main.
    Au-delà du hameau, des cavaliers approchaient. Loin derrière, plusieurs troppellets [166] de piétons avançaient en bon arroi. Il se pouvait qu’il y en eût d’autres sous le couvert des arbres.
    — Bressolles ? interrogea le baron impassible, à l’intention d’Ogier.
    — Sans doute ! dit le damoiseau, dont le cœur battit plus vite. Il enleva sa cervelière et, les sourcils froncés :
    — Ils se hâtent !… Leurs bannières et pennons ventilent et baloient [167] mais ils sont trop éloignés pour que nous sachions qui sont ces gens !
    — Réjouissez-vous ! dit Knolles. Ils sont de France… D’où qu’ils viennent, ils sont chanceux : le pays est plein des nôtres…
    Il toisa Ogier sans malveillance. La nervosité qu’il dissimulait fort mal, désormais, parut se transmettre à son cheval auquel il venait de rendre le mors pour l’amener près du garçon. L’animal hennit et se cabra. Une bave épaisse poissait sa buade [168] , révélant qu’il avait été malmené, peut-être lors des trois combats. Ogier posa sur son chanfrein une main qu’il voulut douce et légère, sans quitter du regard son œil noir, énorme.
    — Changez cette lormerie, messire. Celle-ci est trop étroite pour sa bouche… Vous ne manquez pas de mors, ces temps-ci.
    Plutôt que de le courroucer, cette calembourdaine arracha un sourire à l’Anglais.
    — Tu es vaillant, Argouges. Et tu quitteras cette lice sans égratignure : c’est bien !… On prétend que la vie réserve des rencontres. Peut-être viendras-tu me challenger en quelque autre lieu de ce royaume, toi qui veux mon trépas comme je veux le tien.
    Songeant à Blanquefort, Ogier estima inutile de répondre. Vexé, le routier considéra Guillaume et d’une voix brève :
    — Vieillard, je te laisse… mes morts. Enterre-les à la fosse commune ou fais-les cuire sur les fagots que je t’abandonne également, mais ne prétends jamais qu’ils manquaient de vaillance !
    Il s’exprimait de plus en plus difficilement et maintenait à grand-peine son destrier dont les yeux s’affolaient. Il tapota son encolure et, se penchant, murmura quelques mots destinés à le rassurer. Alors, se redressant :
    — Je vous laisse aussi les corps de mes deux champions. En vérité, leur défaite est le pire dommage qui me soit advenu… Quant à mon Chieftain, disposez-en à votre convenance… Il est vaincu, je n’en veux plus parler.
    Ogier se tourna vers Enguerrand de Briatexte, livide. Était-il croyable que ces deux compagnons d’armes en fussent arrivés à ce point de rupture ? Le ressentiment de Knolles et la passivité – certes contenue – de Briatexte le déconcertaient : il était le témoin lucide et désorienté de quelque chose d’autre entre ces deux hommes. Mais quoi ?
    — Puisque Argouges m’a fait grâce, sois assuré, Knolles, que nous nous reverrons !
    — Qu’on les emmène, décida le baron en désignant tout d’abord Blanquefort, puis les trépassés, et enfin le chevalier vaincu.
    Négligeant l’Anglais hilare, le vieillard s’avisa de son chapelain :
    — Ah ! Clergue… sitôt rentré, vous direz une messe pour l’âme de notre cher Hugues… sans
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher