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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu
Autoren: Pierre Naudin
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du fossé, leva les yeux, brandit Confiance aussi haut que possible en riant et sanglotant à la fois :
    — Victoire !… Victoire !… Victoire !
    Il y eut comme un remous par-dessus les créneaux, les écus, les tapisseries. Les têtes s’agitèrent. Une grêle de cris lui tomba dessus et l’engloutit dans un tourbillon de ferveur et de reconnaissance. C’était invisible, impalpable, et c’était pourtant chaud, lourd, émouvant, enivrant.
    — Victoire !
    Il pleurait toujours, hoquetait et toussait, et dans ses yeux brouillés, tout se mêlait : les couleurs, les visages, les gestes. Des chaperons tombèrent devant lui. Des femmes hurlèrent «  Noël ! Noël ! » comme s’il venait d’accomplir un miracle. Il entendit Clotilde : «  Ogier !
    Ogier ! » et Claresme : «  Ogier ! Ogier ! » Et Margot : « Ogier ! Ogier ! » et d’autres cris de liesse, presque son prénom : «  O gué ! O gué ! » Vainqueurs… Vainqueurs ! On les a eus !… Et maintenant qu’ils partent, qu’ils se délivrent [165] . En face grondait l’écho d’une déception terrible, et ce fut alors, vraiment, en raison précisément des vigoureux cris de haine adressés à ceux de Rechignac qu’il comprit de tout son corps et de toute son âme que le mauvais sort accablait et indignait les envahisseurs.
    Il revint en courant jusqu’à Blanquefort dont la statue de fer, sur le sol, était couverte par les ombres de Guillaume, Jean, Girard et Champartel. Tout près se tenait Briatexte auquel Jean lançait un regard méprisant :
    — Vous êtes bien chanceux, l’homme !… Devant moi, vous n’auriez pas eu quartier !
    Le chevalier aux fers maculés de sang et de poussière évita de se regimber.
    — Pourquoi cette humeur si mauvaise ? Vous voilà vainqueurs. Petitement, sans doute, mais vainqueurs. Tout est bien qui finit bien !
    — Rien ne finit bien, messire… Notre dapifer est mort. Mais il vivrait, j’en suis sûr, si son arme ne s’était rompue !
    Jean s’approcha du corps étendu, fit un signe de croix et laissa son épée choir au sol, près des fragments de celle de Blanquefort. Ses mains se joignirent :
    — Sainte Vierge, et Vous, Jésus, accueillez en Paradis ce vieillard. Il était rude et bon… S’il ne m’avait appris à manier les armes, je serais près de lui et nous serions vaincus !
    Il essaya d’ôter sa cervelière, mais la fatigue le rendait maladroit : il y renonça ; puis, comme il titubait et pâlissait, Ogier ramassa son arme et la lui mit au fourreau :
    — Il faut que tu te soignes en hâte. Tu as au flanc un trou comme mon poing.
    Le damoiseau n’osait examiner la plaie : il était saturé de sang et de navrures.
    Arnaud Clergue s’approcha :
    — Holà ! Jean. Va trouver Mathilde… Il va falloir te recoudre.
    Puis il alla s’immobiliser aux pieds de Blanquefort :
    — Seigneur ! Qu’avez-Vous fait de cet homme ? Nous l’aimions tendrement et Vous nous l’arrachez !
    Au risque de renverser le chapelain, Knolles poussa son cheval jusqu’à Briatexte. Et tandis que son étrier heurtait la cubitière sanglante de l’armure, l’Anglais fit reproche à son champion d’avoir failli à son devoir, lequel était de vaincre ou de trépasser.
    — À cause de votre ferraille, je n’ai pu, d’un geste, vous faire trouer la peau comme Milton l’a fait pour Colin Wood !… Car moi, à votre place…
    — Que ne l’aviez-vous prise ? demanda le vaincu en s’inclinant avec un brin de cérémonie. Eh oui, Argouges m’a eu… et bien eu !… Je lui ai demandé de prendre ma vie après qu’il eut pris mon honneur. Il a refusé… Mais toi, Knolles, linfar d’une plus grande espèce encore que la mienne, qu’aurais-tu fait à ma place ?
    Ébranlé par la hargne et le contenu de cette question, l’Anglais porta la main à son épée ; il l’ôta aussitôt comme si la prise en était brûlante.
    — Linfar toi-même ! grommela-t-il.
    Derrière les deux anciens compères, dans un grondement lourd et des oscillations d’armes et de poings, les routiers contestaient leur défaite.
    Les Gascons poussèrent une fois de plus leur juron :
    — Cadédis ! Cadédis !
    Leurs chefs, l’arme au poing, les contenaient à grand-peine.
    — La valetaille est toujours plus enfelonnée que les maîtres, commenta Guillaume, impassible.
    — Demi-tour ! hurla Knolles. Ou gare aux châtiments !
    Les protestations cessèrent et les
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