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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu
Autoren: Pierre Naudin
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poings l’un contre l’autre. Ogier sentit son oncle comme gêné d’être en vie.
    — Mais tu t’en moquais ! conclut-elle.
    — Il suffit ! Assez de sornettes ! dit Guillaume sans élever la voix. Ce n’est pas le moment… Girard… et vous deux… emportez ce corps à la chapelle.
    Arnaud Clergue sépara Guillaume de la jouvencelle éplorée.
    — Allons, ma fille, dit-il. Allons ! Ce ne sont pas des manières. La mort de Blanquefort est une injustice terrible et qui nous accable tous… Mais Dieu l’a voulue.
    Et, péremptoire :
    — Hugues est venu me trouver avant cette épreuve. Je l’ai reçu en confession. Il était serein… Nullement résigné… D’ailleurs, il ne se résignait jamais… Allons, ma fille… et vous aussi, Claresme, suivez-moi : nous ignorons tout de ces nouveaux venus.
    — Non, dit Tancrède. Je reste.
    Ogier ne sut s’il devait l’admirer. D’ailleurs, les inconnus approchaient. Et tout ce qu’il en pouvait penser, sans crainte d’erreur, c’était qu’il s’agissait d’une petite armée assemblée à la diable. Il y avait certes plus d’enseignes, pennons et bannières que dans celle de Knolles, mais la grisaille des vêtements, piquetée çà et là de l’acier d’une cuirasse, sentait la guenille. Cependant, les capitaines avaient un air de suffisance et de richesse.
    — Qui sont-ils ? interrogea Briatexte, soutenant son coude blessé d’une main poissée de rouge. Les espériez-vous ? Leur aviez-vous envoyé un message ?
    Il grimaçait de douleur, et peut-être d’inquiétude.
    — Craignez-vous de tomber en leur pouvoir ? demanda Pedro del Valle.
    — Oh ! non… Je suis le captif d’Argouges, et me sens… conforté !
    Le Tolédan prit à témoin ses aides et, leur montrant l’otage :
    — Oh ! qué pequeña caballeria fecist [171] .
    — Plutôt que d’emprunter le bon chemin, ils gravissent le sentier qui conduit devant la Mathilde, dit Champartel.
    Aux sons aigus d’un cornet dans lequel soufflait un jouvenceau vêtu de pourpre et d’azur, les premiers cavaliers débouchèrent sur l’esplanade, l’épée ou la lance haute en hurlant :
    — Vélines ! Vélines !
    Six d’entre eux s’arrêtèrent à l’ombre de la malevoisine et se consultèrent sans élever la voix. Leurs compagnons, jugeant de la situation, galopèrent les uns vers le camp de Knolles, les autres vers l’Isle pour assaillir les derniers routiers qui clopinaient et lembourdaient [172] parmi les arbres et les taillis.
    — Un nouvel enchas [173] va commencer, dit Ogier. Il sera aussi abject que ceux auxquels nous avons survécu.
    Les piétons qu’il distinguait de mieux en mieux étaient pour la plupart en loques. Des vouges, des piques, des cognées et des arcs constituaient leur armement. Certains étaient ceints de cordes ; d’autres portaient des scies, des grappins. Cette horde, elle aussi, sentait les grands chemins, l’aventure, et ce qui frappa le damoiseau et ses compagnons, ce fut son silence. Tous ces guerriers semblaient muets. Sans qu’aucun commandement ne les y eût contraints, ils se déployèrent sitôt après avoir dépassé les ruines du hameau, et cernèrent le campement des routiers.
    — Y a-t-il encore des malandrins, là-bas ? demanda Guillaume.
    — Ceux, mon oncle, qui ne peuvent tenir sur leurs jambes.
    Une fois lovée autour du camp, la petite armée, toujours silencieuse, se contracta. Et tandis que l’assaut était donné, une centaine de piétons qui en étaient dispensés coururent en direction de la forêt.
    Ils montaient sur les éminences herbues, les descendaient comme s’ils se livraient à un jeu, poussant devant eux quelques traînards, avant de les occire d’un coup de hache ou d’épieu. Sur la route de Mayac et les coteaux déclives en bordure, là où les gens de Knolles avaient abandonné leurs chariots de butin, les inconnus s’arrêtèrent pour reprendre haleine et se concerter, puis marchèrent vers le bois. Ils disparurent et, pendant un instant, Ogier, le baron et leur entourage eurent les oreilles pleines des cris de ces veneurs traquant sous les frondaisons un gibier à leur semblance.
    — Leur volcesy [174] m’écœure, commenta Guillaume.
    En bas, jaillissaient d’autres hurlements : ceux des blessés tranchés, percés, foulés par les fers des armes et des chevaux. Ogier vit basculer toutes les tentes, et bientôt le feu dévora les étoffes et les peaux de bêtes, noir, épais,
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