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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale
Autoren: Jean-François Parot
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dont la curiosité avait été piquée par le récit du commissaire, ordonna qu’on lui présentât l’Indien. Nicolas se souviendrait longtemps de ce dialogue étonnant entre le souverain et le Micmac qui se considérait toujours comme son sujet, en dépit des traités. Le jeune dauphin était présent. À la grande surprise de son grand-père, il sortit de son mutisme habituel et, sans timidité, multiplia les questions à Naganda, faisant montre de réelles connaissances géographiques et cartographiques.
    D’un mot aimable, il remercia aussi Nicolas de son enquête sur la catastrophe du 30 mai.
    Une seconde audience avait suivi, en la seule présence de Nicolas, dans le cabinet secret du roi. Peu après, Sartine lui communiquait les décisions, provoquées par cet étonnant concours de circonstances. Charmé par ses talents, le roi avait décidé d’utiliser les services de Naganda. Il embarquerait sur un vaisseau en qualité d’écrivain du bord, et serait secrètement débarqué sur la côte du golfe du Saint-Laurent. Louis XV entendait, en effet, demeurer informé de la situation de l’ancienne possession. Des liens devaient être maintenus avec des tribus fidèles dont certaines, comme les Micmac, poursuivaient la lutte contre l’Anglais. Un commis des Affaires étrangères initia Naganda aux subtils arcanes du chiffrement, et un code personnel lui fut attribué. Un calendrier approximatif de rendez-vous fut fixé pour faciliter les contacts réguliers avec un bateau de la flotte de pêche qui fréquentait le banc de Terre-Neuve. Enfin, le roi offrit à Naganda son équipement et une tabatière avec son portrait. Celui-ci s’était lancé avec fougue dans ses préparatifs, tout à la joie de pouvoir servir encore le vieux pays.
    Le 10 août, il avait quitté Paris en compagnie de Nicolas. Sartine avait dûment pourvu son adjoint de lettres et d’ordres du duc de Praslin, ministre de la Marine, destinés à faire reconnaître l’Indien par le commandant du navire. Ils avaient gagné Nantes dans une berline louée, en longeant la Loire par petites étapes. Naganda n’avait cessé de s’extasier devant la beauté des villes traversées et la prospérité des campagnes. De longues conversations les avaient rapprochés et Nicolas demeurait surpris de la culture et de la curiosité de son compagnon. Interrogé, celui-ci ne répondit pas sur la vision qu’il avait eue du meurtrier d’Élodie. Nicolas eut l’intuition que sa réponse se serait apparentée à la remarque du père Raccard à l’issue de la séance extraordinaire d’enquête. Il n’insista pas.
    Dès l’entrée dans Nantes, Naganda s’étonna de la vétusté des quartiers les plus anciens où les rues étaient si étroites que la berline dut, à plusieurs reprises, reculer pour chercher une voie plus large. De hautes maisons rapprochées, aux fenêtres à croisillons, dominaient les chaussées. Ils descendirent à l’hôtel Saint-Julien, place Saint-Nicolas. Il se révéla vieux, malpropre et plein de vermine, comme la plupart de ceux où ils avaient couché depuis Paris. Une auberge au bord de l’Erdre les réconforta par la tendresse d’un canard local rôti, arrosé d’un vin d’Ancenis. Le lendemain, ils montèrent à bord d’un vaisseau à deux ponts dont l’apparence avait été transformée afin de pouvoir passer pour un navire de traite partant pour la Côte d’Afrique et tromper ainsi la croisière anglaise. Le chargement de ses cinquante canons s’était effectué secrètement à La Rochelle. Ils reçurent un accueil courtois du commandant. Les adieux furent écourtés. L’Indien remercia Nicolas de son appui et souhaita le recevoir un jour parmi les siens.
    À présent, depuis le jardin des Capucins situé sur une haute roche surplombant la ville et ses environs, Nicolas contemplait le paysage. Le fleuve élargi se divisait en plusieurs bras avec de petites îles, les unes désertes, les autres couvertes de masures. Entre elles, émergeaient çà et là les mâts d’une multitude de vaisseaux. En face de lui, s’étendait une campagne monotone avec des champs, des troupeaux, des moulins, des marais et les masses sombres des forêts lointaines. À sa gauche, la ville se présentait avec ses nombreux clochers, les riches quartiers des négociants et la silhouette imposante du château des ducs de Bretagne, dominé par la cathédrale. Il songea avec émotion à Guérande, si proche, où s’était déroulée
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