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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale
Autoren: Jean-François Parot
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les gouleyants breuvages… Foutre, chacun alors savait vivre et l’on s’était gobergé tout son soûl !
    À ces savoureuses évocations, Semacgus claqua de la langue et son visage, déjà sanguin au naturel, s’empourpra un peu plus. Il devrait prendre garde à lui, songea Nicolas. L’homme demeurait égal à lui-même, toujours avide des plaisirs de l’existence, mais il s’empâtait un peu plus chaque année et les somnolences se multipliaient. Ses amis s’en inquiétaient, sans oser lui prodiguer leurs conseils. Il n’aurait d’ailleurs pas consenti à mener une vie plus rangée et plus conforme à son âge. Nicolas mesurait l’amitié qu’il portait à Semacgus à l’inquiétude que celui-ci lui inspirait.
    — C’est toute bonté de votre part, Nicolas, d’être venu chercher dans sa tanière un vieil ours toujours partant pour jouer les chalands…
    Les gros sourcils broussailleux et encore plus blancs se haussèrent en signe d’interrogation ou de perplexité.
    — Mais… Je vous trouve bien sombre, en ce jour de fête, reprit-il. Je parierais qu’un souci vous obsède.
    Sous ses airs libertins, le chirurgien de marine cachait une sensibilité toujours en éveil et une grande sollicitude à l’égard de ses proches. Il se pencha vers Nicolas et, posant sa main sur son bras, ajouta en abandonnant son ton gouailleur :
    — Il ne faut pas garder les choses pour soi, je vous sens tout emprunté de pensées…
    Il reprit son ton habituel.
    — Pour le coup, une beauté gonorrhéique qui vous a laissé un souvenir !
    Nicolas ne put s’empêcher de sourire.
    — Hélas, non, je laisse cela à mes amis plus turbulents. Mais vous avez raison, je suis inquiet. D’une part, parce que je m’apprête à assister à un grand rassemblement de peuple comme un observateur sans mission ni moyens, et aussi…
    Semacgus l’interrompit.
    — Comment ! Que me chantez-vous là ? La première police de l’Europe, citée en exemple de Potsdam à Saint-Petersbourg serait à quia, les mains liées, incapable ? M. de Sartine ne pourrait, queussi queumi 3 , dépêcher pour action le meilleur de ses enquêteurs ? Que dis-je, son enquêteur extraordinaire ? Je n’en crois rien !
    — Puisqu’il me faut tout avouer, répondit Nicolas, je vous dirai que M. de Sartine, pourtant légitimement inquiet, car enfin il y a des précédents…
    Semacgus, surpris, leva la tête.
    — … Oui, lorsque le père de notre dauphin épousa la princesse de Saxe. M. de Noblecourt n’a, vous le pensez bien, pas manqué de m’en faire le récit ; c’était en 1747 et il y assistait. Un spectacle d’artifice fut tiré avec succès place de l’Hôtel de Ville, mais, en raison du nombre surprenant de spectateurs, les carrosses se mêlèrent et de nombreuses personnes périrent écrasées et étouffées. M. de Sartine, qui se fait toujours communiquer les dossiers en archives, n’a évidemment pas manqué de relever ce fait et en a tiré les conclusions que vous imaginez.
    — Diantre, oui ! Et où se trouve l’obstacle ?
    — À ce que personne ne souhaite trancher dans le vif.
    La voiture fit une embardée et frôla un vieil homme, qui, s’accompagnant d’une serinette, chantait en sautant sur un pied. Il était entouré d’une petite foule qui reprenait en chœur le refrain.
    Nous donnerons des sujets à la France
    Et vous leur donnerez des rois.
    Un sifflet jaillit de l’assistance et une échauffourée se produisit. Nicolas allait intervenir, mais le coupable s’était déjà enfui.
    — Mon adjoint Bourdeau dit souvent que le Parisien est capable du meilleur comme du pire, et que le jour où sa patience… Bref, Sa Majesté n’a pas voulu trancher en faveur de M. de Sartine.
    — Le roi vieillit et, nous aussi. La Pompadour veillait sur lui ; je ne sais si la nouvelle sultane a de ces délicatesses. Il décline, c’est un fait. L’an dernier, à la revue des gardes françaises, chacun a été saisi de le voir si changé et courbé sur son cheval, lui toujours si droit. En février, il a fait une mauvaise chute de cheval à la chasse. Le moment n’est pas facile. Mais la raison d’une si étrange attitude ?
    — Rien n’était censé troubler le bon déroulement des noces. Trop de sinistres présages planaient sur ce mariage. Vous connaissez l’horoscope du Docteur Gassner, ce mage tyrolien ?
    — Eh ! Vous me savez philosophe ; qu’ai-je à faire de ces niaiseries ?
    — Cette
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