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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale
Autoren: Jean-François Parot
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prédiction faite à la naissance de la Dauphine annonce une fin funeste. À cela s’ajoutent de petits incidents. M. de la Borde, premier valet de chambre du roi et notre ami commun, m’a conté qu’à Kehl le pavillon destiné à accueillir la princesse était orné d’une tapisserie des Gobelins représentant les noces sanglantes de Jason et de Créüse.
    — Voilà pour le moins une insigne maladresse : une femme trompée qui se venge, Créüse brûlée à mort par une tunique magique et les deux enfants de Jason égorgés.
    — Pour en revenir au lieutenant général, il souhaitait — comme c’est son rôle et comme il est dans ses prérogatives — avoir la haute main sur la fête donnée par la Ville. Mais Bignon avait déjà tout manigancé pour usurper cette responsabilité. Le roi n’a pas voulu se mettre à dos les magistrats d’une ville qu’il déteste et qui le lui rend bien.
    — Cependant, Nicolas, il ne faut pas méjuger la Ville avant que de la voir à l’œuvre.
    — J’admire votre confiance. Jérôme Bignon, prévôt des marchands, dont l’anagramme est «  Ibi non rem 4  » est réputé incapable, vaniteux et entêté. M. de Sartine me rappelait à son propos que, lorsqu’il fut nommé bibliothécaire du roi, son oncle, M. d’Argenson, lui aurait lancé : « Fort bien, mon neveu, ce sera une bonne occasion d’apprendre à lire. » Qu’il soit l’un des quarante de l’Académie française n’a bien sûr fait qu’ajouter à sa prétention. Mais cela n’est rien à côté de l’inconséquence des préparatifs de cette fête.
    — Soit. Mais cela est-il si grave qu’il faille vous mettre en un si marmiteux état ?
    — Jugez par vous-même. Primo, aucune mesure de sécurité n’a été prise par ces messieurs de la Ville. Le spectacle risque de faire refluer au cœur tout le sang de la capitale. Les conditions d’accès des voitures ne sont en rien organisées, alors que pour le moindre spectacle à l’Opéra, nous préparons soigneusement la circulation des abords. Rappelez-vous — nous y étions ensemble — l’inauguration de la nouvelle salle et les prodigieuses mesures de sûreté prises pour éviter les encombrements et les désordres. Une grande partie du régiment des gardes-françaises était sur pied. Les postes s’étendaient du pont Royal au Pont-Neuf et la circulation est demeurée aisée jusqu’aux alentours du bâtiment. Nous avions pensé la chose dans ses moindres détails.
    Semacgus sourit à ce « nous » de majesté, qui réunissait le lieutenant de police et son fidèle adjoint.
    — Secundo ?
    — Secundo, l’architecte chargé de l’ordonnancement des décorations s’est dispensé d’aplanir un terrain encore à peine surgi des chantiers. Il demeure çà et là des tranchées qui nous inquiètent fort, comme autant de pièges tendus sous les pieds de la foule. Tertio, rien n’a été prévu pour l’accès des invités de marque, ambassadeurs, échevins et autorités de la Ville. Comment franchiront-ils cette marée humaine ? Enfin, le prévôt a refusé d’accorder, comme la coutume le veut, une gratification générale de mille écus au régiment des gardes-françaises. Ainsi seules des compagnies de gardes de la Ville, dont tout le souci, ces derniers jours, consistait à faire admirer leurs rutilantes tenues offertes par la municipalité pour l’occasion, devraient tenir la rue.
    — Allons, ne vous mettez pas martel en tête. Le pire n’est pas le plus probable et le peuple finira cette soirée en réjouissances autour des victuailles et du vin offerts par le prévôt.
    — Hélas, le bât blesse ici également ! Selon mes informateurs, la Ville, qui a voulu présenter un feu d’artifice plus somptueux que celui du roi à Versailles, aurait préféré lésiner sur le régalement pour finalement le supprimer.
    — Supprimer le festoiement du peuple ! Quelle bêtise !
    — Il sera remplacé par une foire sur les boulevards, mais les tenanciers des échoppes ont dû payer fort cher leur emplacement, pour éponger quelque peu la note du feu d’artifice. Vous savez combien ces féeries volantes sont dispendieuses. Bref, tout cela n’augure rien de bon, et vous me voyez dépité de mon impuissance. Je suis là pour rendre compte, rien de plus.
    — Voulez-vous me dire à quoi sert ce prévôt ?
    — À peu de chose. Depuis la création de la lieutenance générale de police par l’aïeul de Sa Majesté,
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