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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale
Autoren: Jean-François Parot
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Floch suffira, dit Nicolas en souriant.
    — Eh ! monsieur, Madame Adélaïde 6 ne vous nomme qu’ainsi, et vous êtes le favori de ses chasses. Je ne sais où je vais vous placer avec monsieur, monsieur… ?
    — Docteur Guillaume Semacgus.
    — Avec le docteur Semacgus, serviteur, monsieur. Le moindre passe-droit émeut tout ce public, le moindre ministricule ou hospodar de la Porte préférerait se faire hacher sur place plutôt que de céder son rang. Et M. Bignon a semé sans calculer les invitations au ban et à l’arrière-ban de l’échevinage, des officiers, des bureaux, des couvents, des écoles, et que sais-je encore !
    Un gros homme à l’habit gris et or s’interposa et se mit à parler fort haut à M. de La Briche, qui se confondit en promesses. Le personnage se retira fort crêté.
    — Imaginez que ce plénipotentiaire, qui représente l’Électeur palatin, me crie aux oreilles qu’il peut d’autant moins se prêter à composition qu’il se ferait des querelles à sa cour pour avoir laissé insulter le nom de son souverain. Ai-je pour habitude d’insulter un souverain, je vous le demande ? Les arrangements les plus raisonnables sont rejetés.
    Le petit homme secouait la tête.
    — Je ne veux pas vous accabler, reprit Nicolas, mais s’il était possible d’avoir une vue d’ensemble de la place…
    — N’en dites pas plus, M. de Sartine m’en voudrait pour l’éternité si je ne vous satisfaisais point.
    — Dans ce cas, je plaiderais votre cause, vous pouvez y compter.
    — Vous êtes bien gracieux. Vous conviendrait-il de gagner les terrasses ? La soirée s’annonce belle et vous auriez là-haut la plus belle et la plus complète des vues et… vous m’ôteriez une épine du pied, car je ne sais vraiment où je pourrais vous insinuer.
    Il appela un laquais, à qui il tendit une grosse clé.
    — Accompagne ces messieurs de mes amis jusqu’à la terrasse par les petits degrés. Tu laisseras la porte ouverte et la clé dessus, au cas où je devrais nicher quelqu’un d’autre. Dieu, je me sauve, voici le comte de Fuentes, l’ambassadeur d’Espagne. Je n’ai plus le courage d’affronter sa morgue, il se placera bien tout seul !
    La Briche pirouetta sur lui-même et s’échappa en sautillant. Nicolas et Semacgus suivirent le laquais dans une enfilade de salons peuplés de nombreux invités. Le major Langlumé, un morceau de taffetas gommé sur la tempe, pérorait au milieu d’un cercle admiratif de femmes ; il jeta un regard assassin au commissaire. Par plusieurs escaliers, ils gagnèrent les combles et la terrasse.
    Le ciel s’était encore obscurci et les premières étoiles brillaient. Le spectacle qui se déroulait sous leurs yeux les laissa sans voix. Au loin, vers Suresnes, les dernières lueurs du couchant baignaient l’horizon de lignes pourpres, dessinant la découpe des hauteurs entourant la capitale comme sur une soie chinoise. La Seine scintillait, reflétant les lumières de la ville. Ils furent saisis par le nombre des spectateurs rassemblés sur la place Louis XV. Un espace avait été réservé autour du monument central, submergé à chaque instant par les poussées de la multitude. Çà et là des vides correspondaient à des tranchées non encore rempierrées. Nicolas, que n’abandonnait jamais le souci du détail révélateur, nota avec inquiétude qu’une cohue confuse de voitures et de chevaux continuait à grossir sur le quai des Tuileries et sur ses abords. Semacgus le précéda dans son commentaire.
    — La dissolution de ce grand corps populaire à l’issue du spectacle risque fort d’être longue et difficile. Chacun est arrivé à son heure et tous voudront quitter la place en même temps. Cela nous promet un bel embarras.
    — Guillaume, j’admire votre sagacité et rends grâce au zèle officieux « qui sur tous ces périls vous fait ouvrir les yeux » . Fasse le ciel que M. Bignon ait envisagé la chose et prévu avec la dernière exactitude les moyens d’évacuation. Je crois que notre ami M. de La Briche aura quelques accrocs avec ses excellences toujours pressées de rejoindre leur hôtel.
    Nicolas se dirigea vers l’angle droit de la terrasse, enjamba la balustrade, à la grande inquiétude de Semacgus, grimpa sur le rebord de pierre et, s’y accrochant d’une main, se pencha sur le vide. Il considéra la rue Royale pleine d’une foule qui avait de la peine à avancer.
    — Ne demeurez pas là, dit
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