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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale
Autoren: Jean-François Parot
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ne put y parvenir et se mit à caresser avec douceur la joue du vieil homme. Figée, la foule considérait la scène. Bientôt des cris et des grondements de colère s’élevèrent, suivis aussitôt de menaces et d’insultes adressées au cocher de la voiture à demi engagée dans la rue de Bourbon. Depuis le fond du carrosse, une voix pleine de morgue intima l’ordre de passer outre et d’écarter toute cette populace. Le cocher poussait déjà les chevaux, quand Nicolas saisit le mors de l’un d’eux, l’immobilisa et lui parla à l’oreille. Il usait parfois de cette étrange complicité entretenue avec ses montures. D’un doigt, il massait la gencive du cheval qui frémit et recula. Regardant derrière lui, il vit Semacgus penché sur le blessé, lui tâtant le col et passant devant ses lèvres un petit miroir de poche. Le chirurgien releva la vieille dame et chercha une aide du regard. Deux hommes apparurent, portant une table sur laquelle on déposa avec précaution la victime. Un homme tout de noir vêtu suivait le cortège. Semacgus lui parla à l’oreille et lui confia la vieille.
    Nicolas se sentit frappé à l’épaule. Le cheval, effrayé, fit un écart qui faillit le renverser. Il se retourna pour découvrir une masse scintillante de galons surdorés, reconnut le bleu et le rouge d’un uniforme d’officier des gardes de la Ville. Un large visage cramoisi aux petits yeux froids, l’image même de la fureur. Le passager de la voiture en était descendu et venait de cingler furieusement Nicolas d’un coup du plat de son épée.
    — Service du roi, monsieur, dit celui-ci, vous venez de frapper un magistrat, commissaire de police au Châtelet.
    La foule s’était rapprochée des deux hommes et suivait la scène avec une irritation sensible.
    — Service de la Ville, répliqua l’autre, écartez-vous. Je suis le major Langlumé de la compagnie des gardes de Paris. Je me rends place Louis XV pour y assurer le bon ordre de la fête que M. le prévôt organise. Les gens de Sartine n’ont rien à faire en l’occurrence ; le roi en a ainsi décidé.
    Les règlements étaient formels, et il était hors de question que Nicolas, même si l’envie le démangeait, en vînt à croiser le fer avec ce butor. Il vit soudain les plus proches badauds, et, parmi ceux qui avaient les mines les plus patibulaires, ramasser des pierres. Ce qui suivit fut si rapide que rien ni personne n’aurait pu l’empêcher. Une grêle de cailloux, et même un morceau de moellon d’une maison en construction, s’abattirent sur l’équipage. Le major reçut une pierre sur la tempe, qui lui fit une estafilade. Jurant et criant, il remonta en hâte dans sa voiture et se résigna à la faire reculer dans la rue de Belle-Chasse. Depuis la fenêtre brisée de son carrosse, il tendit un poing vengeur à Nicolas.
    — J’admire votre capacité à vous faire des amis, dit Semacgus qui s’était approché. Notre accidenté s’en tirera avec un emplâtre. Il avait juste perdu connaissance : coupure du cuir chevelu, épanchement abondant de sang, toujours spectaculaire ! Je les ai remis, lui et sa femme, entre les mains d’un apothicaire qui fera le nécessaire. A-t-on idée, à cet âge, de courir les rues comme des jeunots par une telle tourmente ! J’ai vu de drôles de mines ici, et ma montre a failli passer dans d’autres mains.
    — Je vous l’aurais retrouvée ! dit Nicolas. Avant-hier, au grand souper qu’offrait l’ambassadeur de l’Empereur au Petit Luxembourg, j’ai démasqué un chevalier d’industrie qui s’était indûment introduit dans la fête et tentait de dérober la montre du comte de Starhenberg, ancien ambassadeur de Marie-Thérèse à Paris. Il a écrit fort galamment à M. de Sartine pour lui faire compliment de l’excellence de sa police, « la première de l’Europe », comme vous le chantiez tout à l’heure. Moi aussi, j’ai observé d’étranges allures. Elles m’inquiètent pour la suite et imaginez la coïncidence : le responsable de la sécurité de la fête est précisément ce personnage empanaché qui me cherchait querelle.
    — Peuh ! ces gens-là ne sont pas du métier. C’est une garde bourgeoise dont les offices s’achètent.
    — Et en grande rivalité avec nos gens du guet. Il faudra un jour en finir et mettre de la cohérence dans ces forces diverses, impuissantes parce que divisées, et plus attachées à se nuire qu’à ménager le bien public. Mais
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