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Le fantôme de la rue Royale

Le fantôme de la rue Royale

Titel: Le fantôme de la rue Royale
Autoren: Jean-François Parot
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Charenton ?
    — Constatez, monsieur, qu’il manque bien deux ferrets à votre uniforme. Le premier a servi à bloquer la porte des combles de l’hôtel des Ambassadeurs Extraordinaires. Cet acte indigne a empêché un magistrat du roi d’organiser les premiers secours lors de la catastrophe de la place Louis XV. Le second a été retrouvé sous le porche de l’hôtel de Noblecourt, rue Montmartre, il y a deux jours. Selon les témoins, il a été arraché à l’un des agresseurs alors qu’on s’acharnait sur la victime.
    — Les lâches, on les bastonne, monsieur !
    — Est-ce à dire que c’est moi qui étais visé ? Mais c’est un vieillard qui en a subi les conséquences.
    Le major se redressa de toute sa hauteur.
    — M. Jérôme Bignon, prévôt des marchands, fera litière de vos accusations, dit-il, et j’aurai plaisir à votre disgrâce.
    — C’est ce que nous verrons. En attendant, monsieur, l’inspecteur Bourdeau va vous conduire à la Bastille.
    Nicolas rejoignit la rue Montmartre où il conta à M. de Noblecourt, enchanté et goguenard, l’arrestation du major. En fin de matinée, un pli aux armes de Sartine lui fut apporté. Son chef lui faisait savoir qu’il était convié à souper dans les petits appartements du roi, le soir même. Sa Majesté souhaitait, en effet, entendre de vive voix le récit de l’enquête, et surtout la description de la séance d’exorcisme. Nicolas consacra la fin de la matinée à choisir sa tenue et à se préparer. À une heure de relevée, sa voiture passait devant Saint-Eustache et l’attelage piquait vers la rive gauche du fleuve.

    Son récit achevé, Nicolas se tut. Chacun des assistants regardait le roi qui, pensif, souriait. Nicolas s’était efforcé de faire court, mêlant les remarques plaisantes aux observations plus graves et évitant de trop dramatiser les manifestations démoniaques de la maison Galaine. Il les décrivit sur le ton du naturaliste qui vient de découvrir une nouvelle espèce. Les dames frémissaient et les hommes s’assombrissaient ou laissaient échapper des rires un peu forcés. Le souverain, attentif et bienveillant, l’avait interrompu à plusieurs reprises pour des précisions où transparaissait son penchant habituel pour les détails les plus macabres. Cependant, l’alerte propos de Nicolas n’avait pas attristé l’homme qui, échappant aux contraintes de l’étiquette, se voulait chaque soir, dans son intimité, pareil à un particulier au milieu de ses amis. Là, il pouvait, loin de toute représentation, goûter quelques heures de quiétude, causer avec animation, encourager les conversations les plus libres et provoquer les controverses auxquelles il se réservait de mettre un terme si elles franchissaient les limites permises.
    Dans ses appartements, enfin soustrait à l’inquisition de la vie publique, le roi était libre de révéler son vrai caractère, ce fond mêlé de gaieté et de mélancolie, sans affectation ni désir artificiel de plaire. L’agrément de ces soirées résidait dans le choix des convives et dans leur atmosphère d’exquise et subtile urbanité. Le récit de Nicolas, en dépit de sa violence et de ses horreurs, par sa mesure, son élégance de ton et sa pointe d’ironie légère, n’avait fait que relever le prix de ce moment.
    — M. de Ranreuil conte fort bien, dit le roi. Ce fut la première impression que j’eus de lui en 1761. Il faisait bien froid, et…
    Nicolas admira la mémoire du souverain. Tout laissait pressentir qu’il allait évoquer la marquise de Pompadour, mais s’était retenu au dernier moment. Les assistants, Mmes de Flavacourt, de Valentinois et la maréchale de Mirepois, pour les femmes, le maréchal de Richelieu, le marquis de Chauvelin, Sartine et la Borde, pour les hommes, écoutaient le roi avec respect et affection.
    — Si le roi me permet de lui poser une question, dit Richelieu…
    Il n’attendit pas la réponse.
    — Le roi a-t-il vu le diable ?
    Le roi se mit à rire.
    — Je te vois tous les jours, cela me suffit ! Cependant, enfant, j’ai cru voir le petit homme, qui, disait-on, errait dans les couloirs des Tuileries. J’en ai parlé, avec innocence, au maréchal de Villeroy, mon précepteur. Tout heureux de la crainte que j’avais exprimée et sur laquelle il espérait prendre fond, il me conforta dans cette croyance et j’en fus si effrayé que j’en perdis le sommeil. Je décidai de m’en ouvrir à mon cousin
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