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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle
Autoren: Rudolf Hoess
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plan, les instigateurs du système aient atteint leur but, s’il
était tel. Certains travaux de l’historiographie allemande ont contesté
récemment la thèse de la soumission complète de la société allemande au régime
totalitaire [14]  :
de larges pans d’autonomie auraient subsisté dans la société civile, à la
différence de ce qu’on a pu observer en URSS, où le régime de terreur a été
incomparablement plus construit et efficace.
    Quoi qu’il en soit, le motif de la terreur pour l’extérieur
ne suffit pas à expliquer à lui seul l’entreprise systématique et radicale de
destruction des détenus, physique, psychique et morale, que les survivants
rapportent. Des « détails » de cette entreprise, rien ne transpirait
à l’extérieur et cela a même fourni une des principales défenses de la population
allemande à l’heure de la défaite : on savait qu’il y avait des camps,
mais on ne savait pas ce qu’il s’y passait. Devant l’insuffisance de toutes les
explications relatives à la terreur et à la répression politique, un certain
nombre d’auteurs concluent au non-sens du système : il n’y aurait là qu’une
monstrueuse absurdité, un univers ubuesque créé par des déments [15] . Une version plus
rationnelle de cette hypothèse voit dans le système concentrationnaire, et
surtout dans le génocide, les produits d’une machine administrative animée d’une
intention de destruction diffuse, mais sans que lui soient assignés à l’avance
des objectifs précis. Ce ne serait que par les effets quasi mécaniques d’une
surenchère suscitée par ses conflits et rivalités internes que la machine se
serait emballée vers un horizon toujours plus meurtrier et destructeur [16] . Cependant, dans
l’esprit de ces auteurs, l’explication vaut essentiellement pour le génocide.
Ils attribuent généralement au système concentrationnaire, rejoignant une
opinion largement répandue, une finalité économique qu’il n’avait pas au
départ, mais qu’il aurait récupérée à partir de l’entrée en guerre. De fait, au
tournant de l’année 1942, c’est la branche économique du RSHA, le WVHA
dirigé par Oswald Pohl (l’Office central d’administration économique), qui
prend la maîtrise de la gestion des camps : il s’agit de mettre les
détenus au service de l’industrie de guerre.
    Jusqu’à cette date, le travail auquel étaient astreints les
détenus dans les camps de concentration n’avait aucune valeur pour l’économie
allemande. Il ne servait qu’à faire tourner la machine concentrationnaire et à
enrichir la SS. Mais son but premier n’était pas de nature économique : il
s’agissait d’un moyen de torture destiné à briser les détenus. Quand l’Allemagne
nazie ouvre un nouveau front militaire à l’Est, à l’été 1941, son économie
entière est mise au service de l’industrie de guerre. La pression s’intensifie
sur les pays occupés pour qu’ils livrent des contingents toujours plus élevés
de travailleurs (le STO en France). La main-d’œuvre concentrationnaire était
entièrement là, à disposition de l’Allemagne, nombreuse et exploitable sans
limites. Au début de l’année 1942, des directives sont données par le WVHA
pour mettre cette main-d’œuvre à disposition de l’industrie. Les firmes
allemandes viennent ainsi épauler les SS dans leur entreprise de destruction ;
les plus connues sont IG-Farben et Krupp, mais il y en a beaucoup d’autres
(BMW, MAN, Varta, Volkswagen, etc.). Car les directives données sont telles,
concernant la durée et les conditions du travail, alors que les pénuries de
nourriture s’accroissent encore, qu’on les a appelées « loi d’extermination
par le travail ». Les annotations de Rudolf Hoess sont tout à fait
révélatrices : le seul résultat, c’est une aggravation considérable des
conditions de vie des détenus, juifs et non juifs, et un surcroît énorme de
mortalité ; les gains en termes économiques sont nuls.
    S’il y a eu une finalité économique au système concentrationnaire,
elle n’a pas su susciter une volonté politique suffisamment forte pour inverser
la logique du système, que, dans sa prison de Cracovie, Hoess commence à
entrevoir. Il insiste sur les ordres contradictoires – la direction de la
sécurité acharnée à exterminer le plus grand nombre de Juifs et la direction de
la main-d’œuvre cherchant par tous les moyens à accroître ses
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