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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle
Autoren: Rudolf Hoess
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déclaré
leur aversion pour l’antisémitisme du régime.
    L’idéologie jouait-elle un rôle important pour les principaux
exécutants de la destruction, les SS ? Le texte de Hoess transpire l’antisémitisme,
mais on le sent largement « de commande » : il répète les
poncifs du credo nazi. Heinz Höhne va jusqu’à dire que la SS n’avait au fond
que mépris pour les élucubrations antisémites des organes de propagande, et qu’on
chercherait en vain une idéologie au sens courant de ce mot dans le milieu SS.
Sans aller jusque-là, on peut cependant formuler une hypothèse, à la suite des
travaux de Hannah Arendt, sur le sens idéologique de l’aventure de ces hommes.
S’appuyant sur l’observation d’Eichmann, lors de son procès à Jérusalem et sur
les comptes rendus des grands procès, elle conclut que le fond de leur
personnalité est une immense banalité : ils étaient normaux, ou plutôt
normalisés à l’excès [11] .
Incapables de penser par eux-mêmes, ils ne se référaient jamais qu’aux
stéréotypes diffusés par leur groupe d’appartenance. Leur extraordinaire
soumission dans les actes puise ses racines dans la soumission radicale de leur
pensée.
    Hannah Arendt propose alors ce concept paradoxal de « banalité
du mal », qui est sans doute la plus redoutable question posée à la
conscience politique moderne, confrontée aux effets du développement d’une
civilisation de masse. Elle ajoute cette autre hypothèse que la véritable
finalité de la SS et de son entreprise concentrationnaire aurait été de servir
à une gigantesque expérience de « laboratoire », destinée à étayer
les fondements politiques et idéologiques du régime totalitaire hitlérien [12] . Dans cet ordre d’idées,
les SS seraient chargés, non pas de professer l’idéologie, mais de l’incarner,
et ce sur un point particulier et fondamental : le mythe du surhomme. Une
telle « vérification » ne pouvait qu’être faite à l’intérieur du
système concentrationnaire : là où le régime s’acharnait à faire de ses « ennemis »
des sous-hommes, face auxquels le surhomme aryen pouvait s’affirmer [13] . On comprend
alors pourquoi le « service actif » de Hoess et de ses collègues ne
se faisait jamais sur les fronts militaires, bien qu’ils l’aient demandé à
plusieurs reprises : il n’y avait pas d’autre combat que le combat pour la
race, à l’intérieur du champ clos de l’univers concentrationnaire et
génocidaire.
    Mais, sur la nature exacte et les finalités du système
concentrationnaire, les controverses sont encore très vives. L’hypothèse que je
cite est largement admise par les analystes, mais la plupart d’entre eux la
mettent au rang des buts secondaires du système concentrationnaire. Ses
finalités primordiales seraient d’ordre beaucoup plus pratique, politique et
économique et on en voit généralement deux : établir un régime de terreur
et disposer d’une réserve inépuisable et bon marché de main-d’œuvre pour l’industrie
de guerre allemande. Pour ce qui est de la terreur, c’est évident, mais il faut
préciser la nature de cette terreur et la cible du message : les
populations extérieures en Allemagne d’abord, dans l’Europe occupée ensuite.
Cela explique ce que Rudolf Hoess a du mal à comprendre, à savoir que, pour une
bonne part de ses détenus, il n’y a guère de motif de les garder derrière les
barbelés. En effet, à partir de 1934, l’opposition politique a été complètement
démantelée en Allemagne. C’est pourtant à partir de cette date que la
population des camps ne cesse de grandir.
    À partir de l’entrée en guerre, c’est à une véritable
explosion du système concentrationnaire qu’on assiste, avec des ramifications
sur l’ensemble du continent. Les déportés politiques et les résistants de tous
pays n’en fourniront pas les plus gros contingents, mais les droit commun, les « asociaux »,
les déportés « raciaux », les témoins de Jéhovah, etc. Les premiers
buts affichés par le régime – éliminer les adversaires politiques et « rééduquer »
les opposants – ont très vite disparu. Il ne reste plus que la terreur,
mais elle n’est pas à rapporter à une menace politique : il s’agit bien
plutôt de faire planer l’arbitraire sur toutes les couches de la société et sur
toutes ses activités de quelque ordre qu’elles soient. Il n’est pas certain
que, sur ce
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