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Le commandant d'Auschwitz parle

Le commandant d'Auschwitz parle

Titel: Le commandant d'Auschwitz parle
Autoren: Rudolf Hoess
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à la mort de la victime, des
entreprises qui faisaient des bottes de feutre avec des chevelures humaines, et
d’autres qui fondaient des chargements de dents en or. Et ce pas seulement en
Allemagne, mais, pour la part initiale du processus, en Belgique, en France, en
Roumanie, en Hongrie, en Serbie, en Croatie et ailleurs. Sauf au Danemark :
les Danois, en refusant – sans arme et soumis comme les autres au joug
nazi – qu’on touche à leurs compatriotes juifs, ont écrit la seule
véritable et collective « page de gloire » de ce sinistre événement [19] .
    L’histoire du génocide perpétré par le III e  Reich
fait alors cette démonstration, inédite dans l’histoire, que les plus grands
massacres ne se font pas sur les champs de bataille, mais dans les coulisses
des administrations publiques et privées, ou, comme l’aurait dit Kafka, que « les
chaînes de l’humanité torturée sont en papier de ministère ». Alors, la
question n’est pas de savoir si un homme, Hitler, conçut ou non le projet
délirant d’assassiner une partie de l’humanité, la question est de savoir
comment il est parvenu à impliquer dans une telle entreprise des centaines de
milliers de gens, qui n’étaient pas tous des nazis, qui n’étaient pas tous des
Allemands, qui n’étaient pas tous des antisémites, qui n’étaient pas tous des
criminels.
    Là est l’ébranlement d’Auschwitz, sa singularité – non
pas une singularité au sens où il s’agirait d’un événement unique destiné à ne
jamais se reproduire, mais au sens où il ouvre une possibilité nouvelle que l’humanité
n’a sans doute pas fini de comprendre et d’explorer. « Les hommes normaux
ne savent pas que tout est possible », disait David Rousset, en concluant
son témoignage sur l’univers concentrationnaire. Et, en effet, même si les
interprétations des spécialistes échouent à nous délivrer le sens ultime du
génocide et du système concentrationnaire, il reste le message qu’en ont
rapporté ses survivants.
    On resterait, en effet, au milieu du chemin, si on s’en
tenait aux propos de Rudolf Hoess. En face du témoignage du commandant d’Auschwitz
vient se poser le témoignage des victimes. On a alors les deux faces d’une même
réalité, dont la question n’est pas de savoir si elles viennent s’ajuster dans
les faits rapportés d’un côté et de l’autre comme deux pièces de puzzle. Plus
profondément, de part et d’autre d’une expérience qui les oppose radicalement,
ils parlent d’une même entreprise de déshumanisation : elle les a atteints
les uns et les autres au plus profond de leur être, bien qu’entre eux il ne
puisse y avoir une quelconque commune mesure.
    C’est malgré lui que Hoess témoigne de son parcours et de
celui de ses collègues vers l’inhumanité. Dans sa conscience à ce point rétrécie
par ses efforts quotidiens pour faire de lui-même « un rouage inconscient
de l’immense machine d’extermination du III e  Reich »,
comme il se décrit lui-même au terme de sa confession, il ne reste plus à la
fin aucune place pour quelque chose qui s’apparenterait à un doute véritable ou
à un remords authentique. Il ne se renie pas, dit-il, mais il aimerait pourtant
qu’on sache que « moi aussi, j’avais un cœur… ». Et c’est sans doute
vrai, malheureusement.
    Quant à la déshumanisation que durent subir les victimes,
certains rescapés, beaucoup plus qu’on ne le croit généralement, l’ont racontée
en détail. De Ravensbrück, de Buchenwald, de Mauthausen, de Dachau, d’Auschwitz,
et des dizaines d’autres camps, nous sont parvenus, après 1945, les échos d’un
même témoignage : il ne s’agissait pas seulement d’exploiter, ni même de
tuer purement et simplement, il s’agissait de détruire méthodiquement,
consciencieusement, tout ce qui fait un être humain dans ses dimensions
physiologique, sociale, morale, intellectuelle, spirituelle. « L’homme se
défaisait lentement chez le concentrationnaire », dit encore David
Rousset. Pour le plus grand nombre, cette « défaite » a signifié la
mort à plus ou moins brève échéance : qu’ils aient été froidement
assassinés ou qu’ils se soient laissé mourir comme ceux qu’on appelait les « musulmans »
dans la langue concentrationnaire. Les autres ont résisté et s’ils avaient
parfois de la chance, ils avaient surtout de multiples stratégies de survie :
pour se procurer de la
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