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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3
Autoren: Mireille Calmel
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l'autre.
    L'une en l'autre.
    L'une à la place de l'autre.
    Celle qui ressortit des eaux sur ses deux jambes, pour s'habiller, avait recouvré sa jeunesse et sa beauté. Elle ressemblait à Algonde trait pour trait.
    Lorsqu'elle quitta la grotte de la Rochette pourtant, c'est la petite servante de Sassenage, nue, la taille terminée par une queue de serpent, qu'elle y laissa grelotter.
    *
    Mounia fut réveillée par une main qui lui secouait l'épaule. Une inconnue était penchée au-dessus d'elle.
    — Viens, lui dit-elle.
    Ankylosée par sa posture, Mounia accepta l'aide de ses bras pour se redresser. Embrumée par le sommeil sans rêve qui l'avait anéantie, elle la suivit, docilement, sans bien comprendre où elle se trouvait ni comment elle était arrivée là. Le fond de la coursive s'était ouvert. Une autre l'enfilait, plus large, qui la mena à une porte. Entrebâillée.
    — Tu es attendue, lui dit la servante en s'inclinant pour la laisser entrer.
    Le ventre noué du souvenir qui refluait, Mounia passa dans une pièce de jolies proportions taillée dans la muraille. Aucune ouverture ne la trouait, mais Mounia remarqua comme précédemment la présence de fines meurtrières. L'ambiance y était chaleureuse, toute de bleu, de rouge et d'oranger, des coussins de sol aux tapis chatoyants, des candélabres aux mosaïques, des tapisseries vantant des scènes galantes à celles de chasse. À l'exception d'une, elles représentaient toutes le même homme, fascinant d'allure et de prestance. Le lit lui-même, aux pieds sculptés de guépards et au ciel d'étoiles, était une merveille.
    Près d'une des tables regorgeant de pâtisseries, de dattes fourrées de pâte d'amande et de fruits frais, la Khanoum l'attendait, les bras ouverts. Mounia vint s'y jeter.
    — Veux-tu toujours mourir ? lui demanda-t-elle en lui caressant les cheveux.
    Mounia s'écarta d'elle.
    — Ne le comprends-tu pas ?
    — Si. Mais je ne peux le permettre.
    La mâchoire de Mounia se mit à trembler.
    — Malgré ma trahison ?
    La Khanoum soupira.
    — Qui offense Allah est puni par Allah.
    Mounia détourna la tête, un voile de haine au cœur.
    — Ce n'est pas lui qui a tué mon fils.
    — Non, tu as raison.
    La Khanoum ramassa un rahat loukoum dans un compotier d'argent. En croqua un morceau avec gourmandise.
    — Tu n'as pas menti sur tout, Mounia. J'ai testé la puissance de ton élixir.
    — Sur qui ?
    — Sur Ihda. Moussa a agi en son nom.
    Mounia ne répondit pas. De nouveau le chagrin l'envahissait comme une lame de fond qui broyait tout sur son passage. Elle se laissa tomber sur les coussins, en prit machinalement un dans ses bras. La Khanoum s'installa à ses côtés.
    — Je l'ai invitée à boire le thé dans mes appartements. Elle en était puante de joie. Dès la première gorgée pourtant, elle se mit à rouler des yeux, le souffle coupé.
    L'idée de la mort de sa rivale rendit un peu d'attention à Mounia. La Khanoum s'en réjouit. Elle continua :
    — Connaissant les effets du poison, j'ai pris le temps qu'il fallait pour qu'elle goûte à la peur, qu'elle comprenne. Et puis je lui ai donné de ton élixir.
    — Tu aurais dû la laisser mourir, grinça Mounia.
    La Khanoum lui sourit.
    — Cette vengeance t'appartient. Je ne t'en priverai pas.
    — Je ne comprends pas…
    — Tu vas vivre, Mounia. Contre ton gré. Dans cet endroit qui, officiellement, n'existe pas. Le temps qu'il faudra pour que tu oublies, pour que tu recouvres cette envie de conquête qui bouleverse mon fils et en laquelle je crois.
    — Tu te trompes. Ici ou ailleurs je ne survivrai pas.
    La Khanoum se leva.
    — On raconte que le premier à avoir utilisé cet endroit fut le basileus Manuel Comnène. C'était du temps de la deuxième croisade. Il y recevait des Turcs en secret pour mieux tromper les siens. C'est lui que tu vois sur ces tentures. La légende dit qu'il emprisonna une femme ici, une Franque. Celle-ci…
    Mounia leva les yeux vers le portrait d'une rousse flamboyante, aux yeux vert d'émeraude et au nez constellé de taches de rousseur.
    — Pourquoi me racontes-tu tout cela ?
    — On dit qu'elle n'était pas comme les autres et que c'est grâce à la magie qu'elle s'échappa.
    Mounia fixa ce regard volontaire capturé par l'artiste.
    — Tu es de sa race, Mounia. Comnène a possédé beaucoup de femmes, mais elle seule a son portrait là. Il l'aimait, autant sans doute que Bayezid t'aime. Il ne pourra pas te
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